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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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faire la connaissance de la mort. Uncle Dave, à qui j'ai demandé une totale sincérité, ne m'a rien caché de ma maladie. Ne sois pas triste. Dis-toi que la mort est un acte simple et naturel, que j'accomplirai avec une certaine curiosité. N'étant plus, on ne peut être déçu de ne plus être.
     
    Comme Pacal allait parler, lord Simon lui serra plus fort la main.
     
    – Ne m'interromps pas. Avant que mes idées se brouillent, je veux te dire que, ces temps-ci, le vieil égoïste que je suis n'a jamais été aussi heureux, jamais plus entouré par ma famille, plus sûr de toi. Ottilia heureuse avec Charles, le phare en service, Lamia partie, ma tâche est achevée et commence la tienne, avec tous les travaux que ton père a entrepris. Attends-toi à voir le monde changer ; le progrès va bouleverser la vie des hommes. Tu auras à protéger – mais aussi à adapter – Soledad à ce monde nouveau, qui ne me conviendrait pas.
     
    – Mais enfin grand-père ! s'écria Pacal, incapable de maîtriser son émotion.
     
    – Allons, sois raisonnable. Partir heureux, après une vie longue et bien remplie, est un privilège. Je veux pour toi une vie aussi riche et pleine que la mienne. Tu es un Desteyrac et un Cornfield, dépositaire du capital moral de deux nobles familles. C'est ça, l'atavisme. Mais n'oublie pas qu'avant d'être français et anglais tu es bahamien de Soledad, l'île où, comme moi, tu es né, et qui t'appartient, acheva le malade, exténué pour avoir trop longtemps soutenu l'effort d'affermir sa voix.
     
    Tous deux se turent, ne supportant plus d'échange que par leurs regards l'un à l'autre rivés. Ce dialogue silencieux, exprimant ce qui n'était pas dicible, Pacal le ressentit comme une transfusion de pensée. Il serait désormais tel que son grand-père souhaitait qu'il fût.
     
    – Maintenant, laisse-moi, je vais dormir, finit par articuler le malade, se laissant aller sur l'oreiller.
     
    Pacal lui embrassa la main avant de la poser sur le drap et quitta sa chaise.
     
    Au moment de la séparation, alors que le jeune homme marchait vers la porte, lord Simon releva la tête avec un regard intense.
     
    – Souviens-t'en, Pacal : la vie n'a de sens que celui qu'on lui donne.
     

    Dans la bibliothèque, le jeune homme, accablé, retrouva Uncle Dave.
     
    – Je crains que la mort ne s'approche, dit-il.
     
    – La potion de Palako-Mata, que Simon a réclamée, va faire effet, empêcher qu'il ne souffre, dit simplement le médecin.
     
    Périodiquement, l'un et l'autre se rendirent dans la chambre du mourant et, à cinq heures du matin, le 24 mai 1884, ils constatèrent que lord Simon Leonard, sixième baronet Cornfield, ne s'éveillerait plus.
     

    Ce jour-là, on célébra, partout en Grande-Bretagne, dans l'Empire et à Nassau, le soixante-cinquième anniversaire de Sa Très Gracieuse Majesté la reine Victoria.
     
    1 1583-1625. Compositeur anglais voué au culte anglican. Le Cygne d'argent est l'une de ses meilleures œuvres.
     
    2 L'île fut renommée Paradise Island, en 1950, par Huntington Harford, un homme d'affaires américain, qui construisit le premier hôtel, l'Ocean Club, et investit des millions de dollars dans l'île. Celle-ci est aujourd'hui un immense complexe hôtelier, dont l'hôtel Atlantis est le fleuron.
     
    3 L'ouragan causa de nombreux dégâts et détruisit plusieurs navires. Il fit trois victimes : une fillette et deux marins.
     
    4 Aujourd'hui encore, la Morton Bahamas Limited, qui, depuis 1935, exploite les salines d'Inagua, assure que le sel qu'elle produit a un degré de pureté exceptionnel de 99,5 %.
     
    5 Tard venus à la production de sel, les États-Unis, qui n'en produisaient en 1825 que 17 000 tonnes, devinrent, dès 1920, avec 6 500 000 tonnes, les premiers producteurs de sel au monde, puisqu'en 1978 ils tirèrent, de leurs lacs et de leurs mines, 42 900 000 tonnes de sel. Mais la demande intérieure s'étant accrue – 17 % du sel américain est consacré au déneigement des routes – les États-Unis doivent à nouveau, depuis les années 60, importer du sel, notamment des Bahamas. Une histoire du sel , Jean-François Bergier, Office du livre S.A., Fribourg, 1982.
     
    6 Le Révérend Kingley Twining, pasteur à Buffalo, ville dont Grover Cleveland avait été maire, démentit ces accusations en assurant que, si Cleveland avait eu autrefois, quand il était célibataire, une liaison illicite « il ne tenta pas

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