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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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La volonté ne suffit plus, la machine renâcle. Souhaitons pour lui que ça ne dure pas au-delà du supportable.
     
    – Il peut souffrir ?
     
    – Certes. Cet après-midi, j'apporterai une nouvelle potion lénitive de notre ami Palako-Mata, celle qu'il a administrée à son père quand nous avons vu que la fin approchait. Il est parti tranquille, notre vieux cacique, dans son sommeil. Simon m'a dit ce jour-là : « C'est ainsi que j'aimerais m'en aller. » « Sans simagrées », avait-il ajouté.
     
    Le lendemain, lord Simon admit qu'une immense lassitude l'empêchait « de mettre un pied devant l'autre », suivant sa propre expression. Il ne parut pas à l'heure du thé et, quand Pacal lui rendit visite dans sa chambre, en fin d'après-midi, il trouva son grand-père, le teint un ton plus jaune, adossé à des oreillers.
     
    – Dis-moi un peu les nouvelles, j'ai mal à la tête et je n'ai pas envie de lire, dit-il, désignant les journaux épars sur la courtepointe.
     
    Pacal déplia The Nassau Guardian et le parcourut.
     
    – Voilà que Grover Cleveland, le gouverneur de l'État de New York, a toutes chances d'être, en juillet, désigné par le parti démocrate comme candidat à la présidence des États-Unis. C'est un veuf. On dit qu'il aurait enlevé et séquestré une femme, à laquelle il aurait fait un enfant. Tout ça pour que l'affaire ne s'ébruitât pas 6 .
     
    – En politique, tous les coups, même les plus bas, semblent permis. Il arrive qu'un homme fasse un enfant à une femme autre que son épouse. Ça ne regarde personne, hors les intéressés. Surtout pas les polygraphes, bougonna lord Simon.
     
    – Les républicains seraient décidés à envoyer contre Cleveland le sénateur du Maine, James Gillespie Blaine. Mais il y aurait un autre candidat, celui du parti des greenbacks , vous savez ces gens qui, depuis 76, réclament le retour au paiement en espèces. Leur candidat serait le trop fameux général Benjamin Franklin Butler, celui que Myra Maitland et tous les Sudistes qualifient de « charlatan effronté » et nomment la Bête du Mississipi et le Boucher de New Orleans.
     
    – Est-ce tout ?
     
    – On vient de poser à New York la première pierre du piédestal de la statue géante de la Liberté, que la France a offerte à l'Amérique en 1876. Mon ami Artcliff a promis de me faire inviter à l'inauguration, compléta Pacal.
     
    N'entendant aucun commentaire, il constata que son grand-père s'était assoupi. La respiration du malade lui parut régulière, ses traits détendus. Il quitta la chambre sur la pointe des pieds.
     
    Il avait regagné Malcolm House après dîner quand, au milieu de la nuit, un valet vint le prévenir que le docteur Kermor réclamait sa présence à Cornfield Manor. Pacal hésita un instant puis décida de réveiller son père et sa belle-mère. Ottilia était la fille de lord Simon et, à ce titre, devait être informée de cet appel inquiétant du médecin.
     
    Une pluie drue, comme souvent en cette saison, fouettait la capote du boghei, dont les lanternes transformaient l'ondée en perles d'argent. Le vent agitait les pennes ruisselantes des palmiers. Pacal, angoissé, y vit comme des gestes d'adieu précipités. À son oreille, le martèlement du cheval, au grand trot sur la chaussée détrempée, sonnait comme un glas.
     
    Le fidèle Pibia l'attendait sur le seuil du manoir.
     
    – Le docteur Kermor est avec Sa Seigneurie, qui vous a plusieurs fois réclamé, dit-il.
     
    Uncle Dave quitta la chaise qu'il occupait au chevet du malade quand Pacal entra dans la chambre et lui céda sa place.
     
    – Simon veut te parler, dit-il à haute voix, comme s'il s'agissait d'une convocation banale.
     
    Du regard, Pacal interrogea le médecin.
     
    – Plus rien ne fonctionne, sauf l'esprit, souffla Kermor avant de quitter la pièce.
     
    Lord Simon ne paraissait cependant pas plus mal qu'au moment où Pacal l'avait quitté, quelques heures plus tôt. Le front couvert de sueur, signe de forte fièvre, il prit la main de son petit-fils, geste peu familier.
     
    – Comment vous sentez-vous ? risqua Pacal.
     
    – En partance, mon petit, en partance. Ce qui a commencé doit finir. Je veux te dire que tu trouveras dans le tiroir de mon bureau, celui du milieu, une enveloppe à ton nom. Elle contient tout ce qu'il conviendra de faire. Je veux aussi te dire que ces derniers mois ont été fort intéressants, car ils m'ont appris à

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