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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Boston où Susan, dès son arrivée, se confia aux soins du médecin des Buchanan, le docteur Gerald Barrett. La passagère débarquée, le Phoenix II reprit aussitôt la mer pour Soledad.
     
    Lord Pacal, retenu sur son île en l'absence de son père, n'avait pas accompagné sa femme. Il s'était seulement engagé à la rejoindre, début août, pour être présent lors de l'accouchement. Susan n'avait pas voulu qu'il en fît une promesse formelle.
     
    – Ne prenez pas le risque de naviguer si surviennent des tempêtes. Timbo, qui connaît le temps, m'a dit que les hutias cachent des provisions dans les trous de rochers, signe qu'ils prévoient l'arrivée d'ouragans dont ils ont très peur, s'était-elle forcée à dire.
     

    Timbo et les hutias avaient prédit juste. Fin juillet, l'ouragan, formé comme toujours au cap Vert, frôla Cuba, s'attarda sur les Bahamas, causant quelques dégâts sur plusieurs îles, avant de poursuivre sa charge endiablée vers la Floride. Retenu à Soledad, lord Pacal s'impatientait, mais John Maitland et Philip Rodney déconseillèrent le départ et c'est par le bateau-poste de Nassau, livrant fin août un télégramme expédié de Boston, via la Floride, huit jours plus tôt, que lord Pacal apprit qu'il était père d'une fille. « Elle est superbe et sa maman se porte bien. Toutes deux vous attendent », écrivait Susan.
     
    Quand, un mois plus tard, lord Pacal se trouva en présence de sa progéniture, il demeura un instant silencieux et sa perplexité, qu'elles prirent pour de l'attendrissement, amusa les dames Buchanan. Observant ce petit être, aux yeux mi-clos, coiffé d'un duvet décoloré et qui, emmailloté, ressemblait à une chrysalide dans son cocon, Pacal dit son bonheur et sa reconnaissance, alors qu'il s'étonnait de ne ressentir aucune émotion particulière. Il eût, certes, préféré un garçon, mais se garda de le laisser supposer devant une famille où régnait une sorte de matriarcat. Susan, embellie par la maternité, rayonnait de bonheur. Elle afficha une gaieté mutine en passant au doigt le saphir, monté en bague, cadeau d'un mari reconnaissant. Le bébé reçut pour prénoms Martha et Lucy. Celui de l'épouse de George Washington, vénéré dans la famille, et celui de la mère que Susan n'avait pas connue.
     
    – Vous l'appellerez lady Martha, ordonna Susan aux domestiques, qui constatèrent que l'épouse du lord avait bien assimilé l'étiquette anglaise.
     
    Dans une société où mondanités, sorties au théâtre et parties de campagne tenaient une large place, les jeunes mères n'allaitaient pas leur nouveau-né. Susan ne fit pas exception et le docteur Barrett recruta une nourrice. Les brunes passant pour produire un meilleur lait que les blondes, une belle Italienne fut retenue. Le praticien la présenta lui-même aux parents de Martha Lucy.
     
    – Voici Paulina, c'est une fille mère que j'ai accouchée moi-même, il y a six semaines, d'un garçon qui, hélas, n'a pas vécu. Vingt-six ans, une bonne constitution, de l'hygiène, les dents saines, les poumons en bon état, pas de ganglions au cou, qui révéleraient une nature lymphatique, de beaux seins en poire – montrez vos seins, Paulina –, d'où sort un excellent lait, qui jaillit aisément comme vous voyez, dit le praticien en pressant le mamelon gonflé.
     
    Gêné par l'air confus de la jeune Italienne, dont Barrett, tel un maquignon, venait de vanter les capacités de nourrice comme s'il se fût agi d'une vache laitière, Pacal intervint.
     
    – Je vous suis reconnaissant d'avoir accepté de nourrir ma fille. Puisse sa présence vous consoler, en partie, de la perte de votre bébé, Paulina, dit-il avant de la congédier avec un sourire.
     
    – Elle a l'air d'une brave fille et nous vous faisons confiance, docteur Barrett, émit Susan.
     
    – Ne soyez pas trop aimable avec ce genre de femme. Dans sa position, celle-ci ne peut que se réjouir de l'aubaine qui lui échoît, fit observer le médecin, sèchement.
     
    – Pourquoi avez-vous choisi une fille mère ? s'étonna le père de Martha.
     
    – Je déconseille les nourrices mariées. Le mari a toujours des exigences, vous comprenez lesquelles, et, trop souvent, ces femmes se retrouvent enceintes, ce qui nuit à la qualité de l'allaitement. Et puis, j'ai dû en trouver une qui accepte d'aller vivre dans vos îles. J'espère, pour Susan et l'enfant, que vous avez là-bas un bon médecin, ajouta le

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