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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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matinales. Excellent cavalier, l'Espagnol s'émerveilla de l'organisation de la vie sur l'île. La qualité des routes asphaltées, le système de distribution d'eau, la bonne tenue des fermes, le bel agencement de l'hôpital, le fonctionnement des écoles, le petit train côtier, l'activité des pêcheurs d'éponges et des artisans, l'animation des ports, l'ambiance très victorienne du Loyalists Club, où il fut tout de suite admis, lui parurent exemplaires.
     
    Dans cette ambiance sereine, on apprit fin avril que, le 21 du mois, le Congrès des États-Unis, estimant juste pour Cuba le droit à l'indépendance, avait autorisé le président à déclarer la guerre à l'Espagne. McKinley réclama deux cent mille volontaires, pour guerroyer à Cuba, pendant que des régiments de l'armée régulière se rassembleraient à Tampa. Faute de préparation, les opérations navales et militaires commencèrent lentement et, pendant des semaines, les nouvelles affluèrent, parfois étonnantes, le plus souvent désastreuses pour les forces espagnoles. À Madrid, la reine-régente Marie-Christine, accompagnée de son fils de douze ans, le futur Alphonse XIII, dans un discours pathétique aux Cortes, avait crânement relevé le défi de « l'ogre yankee  », sans imaginer que des troupes américaines se préparaient à débarquer à Cuba, près de Santiago, tandis que le commodore George Dewey et son escadre faisaient route vers les Philippines, où se trouvait le gros de la flotte espagnole.
     
    Aux États-Unis, la guerre avait tout de suite pris un goût de vengeance, et l'on assistait à un élan patriotique populacier. Partout, on brûlait les drapeaux espagnols et des gens insultaient tout ce qui parlait la langue de Cervantes. Le sous-secrétaire à la Marine, Theodore Roosevelt, démissionna pour recruter, parmi les robustes cow-boys qui l'accompagnaient d'ordinaire, au cours de ses chasses dans les plaines de l'Ouest, un régiment de cavalerie, les Rough Riders , les Rudes Cavaliers, dont il se fit colonel.
     
    Sachant sa marine déficiente et démodée, le gouvernement américain acheta, en Angleterre, des navires marchands rapides, pour les transformer en canonnières ou transports de troupes, réquisitionna vingt et un yachts du New York Yacht Club, dont le Corsair du banquier J. P. Morgan, armé et rebaptisé USS Gloucester 14 . Tandis qu'à New York on jugeait sept émigrés espagnols, qui, le 29 avril, avait déboulonné les rails du chemin de fer, pour empêcher un train militaire d'artillerie de rejoindre le port, le capitaine Cody, plus connu sous le nom de Buffalo Bill, grand tueur d'Indiens et de buffles, reconverti dans le cirque, interrompait les spectacles pour reprendre du service dans la cavalerie. Randolph Hearst, magnat de la Yellow Press 15 et propriétaire du New York Telegraph , ne restait pas inactif. Il avait télégraphié à son agent, à Londres, pour qu'il achetât un grand navire marchand, le fît emplir de charbon et l'envoyât se saborder dans le canal de Suez, afin de fermer le passage à l'escadre espagnole de l'amiral de La Cámara, à qui l'on prêtait l'intention d'attaquer la côte américaine !
     
    Fidèle à sa politique hypocrite, le gouvernement britannique proclamait une neutralité officielle, tandis que sa sympathie agissante allait aux États-Unis, et qu'il tirait profit des ventes d'armes et de matériel à qui pouvait les payer. À Londres, les pro-Américains manifestaient, exhibaient la bannière étoilée, se rassemblaient devant l'ambassade des États-Unis. Le 13 mai, Joseph Chamberlain, secrétaire aux Colonies, exprima clairement son choix en disant, lors d'un discours à Birmingham : « Quoique la guerre soit une chose terrible, elle sera payée bon marché si, dans une grande et noble cause, le pavillon étoilé et le drapeau du Royaume-Uni flottent ensemble, au-dessus d'une alliance anglo-saxonne. »
     
    Cette guerre hispano-américaine devait être brève et meurtrière. Le 1 er  mai, le commodore Dewey annonça, à Washington, qu'il avait détruit la flotte espagnole, à Cavite, dans la baie de Manille. Au cours de la bataille, le croiseur amiral Reina Cristina avait été coulé, comme une douzaine d'autres navires. Quelques jours plus tard, Manille était occupée par deux mille cinq cents soldats américains et, fin juin, seize mille hommes, commandés par le général Shafter, débarquèrent à Cuba, près de Santiago, dont la reddition, le

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