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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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hispano-américaine rêvent d'habiter l'aristocratique Belgravia, dit-elle en esquissant un pas de danse.
     
    Un peu plus tard, dans le hall, il la regarda coiffer son étrange chapeau, fermer son col, serrer sa ceinture, tel un soldat répondant à l'appel. Il l'accompagna, dans la nuit claire, jusqu'au fiacre convoqué par le majordome.
     
    Quand il lui baisa la main et l'aida à monter en voiture, lady Jane, oubliant le major Kelscott, se pencha vers Pacal.
     
    – Moi, j'aurais su vous aimer, jeta-t-elle dans un souffle, avant de tirer la portière.
     

    Quelques semaines plus tard, les notaires ayant réglé, en présence d'un général salutiste, le transfert de propriété de Cornfield House à l'Armée du Salut, lord Pacal fit emballer les portraits des ancêtres Cornfield, la table-bureau et le mobilier du cabinet de travail, les bibelots les plus précieux, auxquels il joignit le tigre royal naturalisé, tué par lord Simon au cours d'une chasse avec le vice-roi des Indes. Quand le commissionnaire demanda où devait être expédié ce déménagement, il donna, sans plus de réflexion, l'adresse du village d'Esteyrac, en France. Depuis quelques jours, mû par la curiosité de voir le résultat de la restauration conduite par son père et Ottilia, mais aussi par un soudain désir de dépaysement et de paix, il avait décidé de se rendre en Auvergne. Invité, comme tous les lords, au couronnement du roi Édouard VII, prévu le 26 juin, à Londres, il différa son départ pour la France. Il se ravisa bientôt, quand il apprit, le 24 juin, comme tous les Britanniques, que les cérémonies étaient reportées au 9 août. Le nouveau souverain devait être, d'urgence, opéré de l'appendicite.
     
    Tandis que lord Pacal traversait la Manche, le report des festivités royales déclencha un des plus étonnants conflits juridiques qu'eût connus l'Angleterre. Sur le parcours, que devaient emprunter le roi et son imposante suite, au jour du couronnement, fenêtres, balcons, bateaux sur la Tamise avaient été loués, à prix d'or, aux curieux qui souhaitaient voir le cortège. S'estimant victimes d'une « frustration de contrat » par l'annulation du défilé, les spectateurs déçus demandaient le remboursement des loyers de circonstance, tandis que les loueurs exigeaient d'être payés, en dépit du manque de spectacle. Déjà, des procès étaient intentés par les uns et les autres 5 .
     
    Fin juin, lord Pacal, renonçant à la célébration du sacre, arriva, sans s'être annoncé, à Esteyrac. Dès le premier regard, il se sentit admis. Comme une femme parée d'une toilette neuve, la vieille gentilhommière de pierre grise semblait l'attendre. À travers la grille lanciforme du parc, Pacal vit les nymphes du bassin, rendues à leur vénusté première. De leurs amphores coulait l'eau limpide d'une source, réputée salutaire aux hépatiques. Il actionna la poignée de bronze, reliée à un fil de fer, et le tintement lointain d'une clochette fit apparaître Auguste Trévol, gardien des lieux, « le père Trévol » pour les villageois. « Ah ! il ne s'en croit pas qu'un peu, depuis qu'il est intendant du château, l'ancien maire ! » disaient les lavandières.
     
    Pacal, depuis la mort de son père, avait entretenu une correspondance régulière avec cet homme de confiance. On eût vainement cherché des fautes de syntaxe ou d'orthographe dans les rapports, clairs et concis, que ce paysan calligraphiait, à l'intention de son lointain employeur.
     
    – Morbleu, j'ai cru que c'étaient encore des touristes, qui voulaient photographier nos belles ! Vous auriez dû prévenir, Monsieur. Avec le nouveau maire – car j'ai passé la main au notaire –, on se demandait encore, pas plus tard que dimanche, à la sortie de la messe, si l'on vous reverrait jamais !
     
    – Eh bien, me voici. J'ai l'intention de passer quelque temps à Esteyrac. Du mobilier va venir d'Angleterre.
     
    – Vous verrez que tout est en ordre et propre, au château. Ma femme est bonne cuisinière. Elle vous fera servir vos repas par Ninette, une fille du pays. En 91 – boun Diou, ça fait déjà dix ans ! –, elle servait vos parents pendant les travaux. Aujourd'hui, elle est mariée, et son mari, le maréchal-ferrant, vous sera utile. Il a une voiture neuve, à roues caoutchoutées, et vous transportera où vous voudrez, à la demande, Monsieur.
     
    Lord Pacal, après le tour du propriétaire, s'installa

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