Un paradis perdu
prosélytisme d'un esclave libéré, venu de Louisiane, Joseph Paul, installé depuis 1783 à Abaco. Le pasteur émigré construisit la première chapelle méthodiste, à l'angle d'Augusta Street et de Heathfield Street. Cette église de bois à disparu dans un incendie, précisa Colson.
– Il semble que les méthodistes n'aient jamais eu de chance avec leurs oratoires. Souvenez-vous que l'ouragan de 1866 a détruit la Trinity Methodist Church, construite, sur Frederick Street, en 1861, rappela Desteyrac.
– Elle est en cours de reconstruction, avec l'aide des méthodistes américains 4 , précisa Lewis.
– Les États-Unis nous ont envoyé, l'an dernier, plus de cinq cents touristes et, cette année, des missionnaires. Tourisme et religion ne seraient-ils pas les nouvelles forces de l'expansion américaine ? demanda Charles.
– N'oublions pas que, l'an dernier, vous avez aussi vendu aux Américains trois cent mille douzaines d'ananas, des tonnes de tomates, des primeurs, des éponges et de l'écaille de tortue. De quoi faire accepter cette forme moderne de colonialisme, n'est-ce pas ? rétorqua Colson en riant.
– Nous entrons dans un monde où tout sera commerce et affaires, mon ami. Pacal ne cache pas, dans ses lettres, que le premier but des Américains est de gagner des dollars en répandant à travers le monde la bonne parole démocratique, reconnut Charles.
Au cours de l'été, Nassau fêta le retour d'Afrique des soldats du First West Indies Regiment , qui avaient participé à la guerre contre les Ashanti. Plusieurs étaient morts en combattant, mais la plupart des absents avaient succombé aux fièvres des marais. L'un des rescapés, le sergent Regis Mosko, était originaire de Soledad et neveu de Sharko, le gérant du Loyalists Club.
Lord Simon, soucieux d'honorer le sous-officier mulâtre, voulut que l'on organisât une réception dans le parc de Cornfield Manor. Au jour dit, le sergent, qui séjournait chez son oncle, se présenta, dans un uniforme frais. Le lord, entouré des familiers du manoir, le reçut avec les égards dus à un Bahamien qui venait de risquer sa vie pour la plus grande gloire de Sa Très Gracieuse Majesté la reine Victoria.
Après le discours, tout de reconnaissance patriotique, du maître de l'île, le sergent, pressé de questions, prouva qu'il s'était préparé à satisfaire la curiosité de l'assemblée. Il venait de participer à une guerre ignorée de la plupart des insulaires.
– Nous nous demandons tous, ici, ce qui a bien pu justifier cette guerre, dit Dorothy Weston Clarke, de qui l'amertume englobait tous les choix du gouvernement britannique, depuis la flétrissure professionnelle infligée à son mari.
– Il faut savoir, m'ame, qu'au mois de janvier de l'an passé, les Ashanti sont descendus des montagnes et ont, pendant huit mois, ravagé tous les commerces et les maisons des Anglais installés sur la partie la plus riche de la Guinée, la Côte-de-l'Or, Gold Coast. Ces sauvages ont tué, pillé, brûlé, car ils sont belliqueux et barbares. Ils sont aussi bons cultivateurs et négociants malins, mais ne pensent qu'à faire la guerre.
– Vraiment ? risqua Uncle Dave, incrédule.
– Oui, docteur. Pour un Ashanti, ne pas mourir à la guerre est une honte. Ils ont voulu s'en prendre aux colons anglais d'Elmina et de Cape Coast. Les quelques soldats de la Royal Navy qui se trouvaient là n'ont pas pu résister, expliqua le sergent.
– Mais ils ont attaqué soudain. Sans raison !
– On m'a dit, docteur, que les Ashanti s'étaient mis en colère parce des Anglais avaient pris la liitière, toute d'or et d'argent, où reposait le corps de leur roi Quahou-Duah, mort quelques jours plus tôt, et que son fils, le nouveau roi Coffi-Calcalli, faisait transporter on ne sait où. C'est pour venger cette offense que les Ashanti avaient décidé de détruire tout ce qui était anglais, rapporta Mosko.
– C'est donc pour protéger nos colons et leurs biens que William Gladstone, alors Premier ministre, a décidé d'envoyer un corps expéditionnaire, commandé par le général Joseph Garnet Wolseley, dit Lewis Colson.
– Sir Joseph est un fameux officier de l'armée des Indes, où il servit avec mon regretté ami Edward Carver. Il a fait la guerre de Crimée, la guerre de Chine et il est entré à Pékin avec les Français. Il n'a que quarante-deux ans, mais une grande
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