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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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dit-elle.
     
    Pacal se leva, offrit son bras pour la conduire au boghei.
     
    – Si nous allions à pied ? La nuit est si claire et si douce, proposa-t-elle.
     
    Ils marchèrent d'un pas égal et, quand Pacal lui prit la taille, Estelle se laissa aller doucement contre son compagnon. En arrivant à Malcolm House, il ne la quitta pas sur le perron, comme d'habitude, mais entra dans le hall, faiblement éclairé par une lampe à pétrole. Comme elle demeurait immobile et silencieuse, lui abandonnant ses mains, lord Pacal, interprétant cette apathie comme une attente, l'enlaça, distribua des baisers, trouva sa bouche. Elle se raidit un peu, accepta ce chaud contact, se laissant embrasser sans ouvrir les lèvres. Quand il risqua une main sur un sein, qu'il trouva ferme et campé, elle se libéra doucement, en poussant un soupir de lassitude.
     
    – Vous pouvez rester ici cette nuit avec moi… si cela vous fait plaisir, dit-elle, docile.
     
    Le ton indiquait une soumission plus qu'un accord, une sorte de résignation au prévisible, non l'écho sensuel – attendu – au désir de l'homme.
     
    Lord Pacal recula d'un pas.
     
    – Je n'en ferai rien, passez une bonne nuit, dit-il en descendant l'escalier.
     
    Il s'éloigna à pas rapides, penaud, mécontent de s'être fourvoyé, de s'être ridiculisé en prodiguant des mignardises de vieillard à une femme qui n'avait nulle envie d'une étreinte amoureuse. Il eût été moins humilié si elle l'avait repoussé franchement, au lieu de consentir en pensant sans doute : « Allons-y, puisque ça lui fait plaisir, et que je ne peux me refuser à un hôte si généreux. C'est le prix à payer, pour ce séjour. »
     
    Chez lord Pacal, la colère contre lui-même provoquait la même réaction qu'autrefois chez lord Simon. Rentré à Cornfield Manor, il se mit à l'orgue et, pendant une heure, les Suites allemandes de Bach résonnèrent dans le manoir endormi, comme le brame d'un vieux cerf évincé.
     
    Au matin, quand Estelle Miller se présenta à Cornfield Manor, en tenue d'équitation, et demanda au lad d'avertir lord Pacal qu'elle était prête pour la promenade, Timbo vint à elle, plus majordome que jamais.
     
    – Sa Seigneurie est partie ce matin pour l'Europe, Madame. Des ordres ont été donnés, pour que le Centaur vous conduise à Nassau, quand il vous plaira, Madame.
     
    Interloquée, l'ornithologue s'éloigna, le visage noyé de larmes. Elle pleurait encore en bouclant ses bagages. « Tous les hommes, aristocrates ou plébéiens, sont donc ainsi », se répéta-t-elle jusqu'à l'embarquement.
     

    Lord Pacal se promit de ne plus jamais tenter de séduire une femme. À Estelle, il aurait pu offrir un nom et un château. Il retourna, sans les ouvrir, les lettres qu'elle persista à lui adresser au cours des mois suivants. Il ignora ainsi qu'elle s'était cru traiter comme une fille après l'aveu de sa bâtardise et qu'elle en avait été humiliée.
     
    Comme Thomas Artcliff, célibataire jouisseur, Pacal décida de se satisfaire désormais des étreintes joyeuses et vénales des demoiselles de magasin, lors de ses séjours à New York.
     

    Estelle Miller était oubliée quand le maître de Soledad se rendit à Nassau pour accueillir, avec la communauté européenne, sir James Bryce 11 , ambassadeur de Grande-Bretagne à Washington. La visite du diplomate avait pour but, non avoué, de rappeler aux Américains, de plus en plus nombreux à s'intéresser aux affaires dans les Bahamas, que l'archipel était une possession de la Couronne, où s'appliquaient exclusivement les lois britanniques.
     
    Quelques semaines après cette visite, Pacal fut de nouveau appelé à Nassau, pour participer à l'hommage que les autorités rendirent à la mémoire du roi Édouard VII, mort le 6 mai, et aux cérémonies qui, dès le lendemain, marquèrent l'avènement de George V.
     

    Vinrent pour Pacal des années ternes, rythmées par la saison des ouragans, les rassemblements familiaux autour de Martha et George, les visites à ses entreprises de Floride, à ses plantations et usines de conserves d'Eleuthera, les étés à Esteyrac et aussi les deuils.
     

    En 1911, Lewis Colson et le pasteur Russell disparurent, à un mois d'intervalle. Le premier mourut pendant son sommeil, quittant la vie aussi convenablement qu'il avait vécu. Michael Russell, victime d'un refroidissement contracté sous l'orage, pendant ses visites aux malades, eut le temps de

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