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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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donné, pour la première fois, des signes de faiblesse. Ses vieilles membrures craquaient de manière inquiétante, « comme mes jointures », dit lord Simon. L'étanchéité de la coque laissant à désirer, un calfatage s'imposait, comme la réfection du pont, dont les planches usées menaçaient de se disjoindre quand le navire, secoué par les lames, frémissait de la quille au grand mât. Le passage au bassin de radoub s'imposait donc.
     
    Dès l'accostage au port occidental, des ordres furent donnés à Philip Rodney pour qu'il conduisît le yacht au bassin du port oriental où l'on mettrait le Phoenix en cale sèche. Tom O'Graney et ses Irlandais remplaceraient membrures et vaigres fatiguées, afin de rendre à la coque sa résistance première. Dans le même temps, le bateau recevrait un nouveau gréement, avec des voiles neuves, commandées au chantier des Albury, sur Man O' War, un îlot des Abaco Islands.
     
    – Certes, ce bateau est vieux, mais je me demande si, sachant qu'il va perdre son commandant, Lewis Colson, pour passer aux mains d'un nouveau capitaine, John Maitland, le Phoenix ne nous fait pas une crise de mauvaise humeur, ne s'abandonne pas au désenchantement, dit Rodney, après avoir reçu les ordres du lord.
     
    – Il se pourrait, capitaine. Les vieux voiliers ont du caractère et du cœur, dit Tom O'Graney.
     

    Pendant l'absence de Charles Desteyrac, les terrassiers, Arawak et Noirs, avaient bien travaillé. Sima avait mis un point d'honneur à faire avancer l'établissement de la plateforme destinée à recevoir le phare du Cabo del Diablo. Inspectant le chantier, au lendemain de son retour, l'ingénieur se déclara satisfait et annonça l'arrivée, dans un mois ou six semaines, du ciment de Portland qu'il avait commandé au cours de son séjour à Boston. Il s'adressa aux ouvriers, qui, lady Lamia le lui avait dit, étaient maintenant conscients et fiers de participer à la construction d'un ouvrage destiné à guider les marins.
     
    – Dieu fasse que les ouragans passent au large, sinon, il nous sera impossible de gâcher le ciment et de l'étaler sur la roche que vous avez fort bien aplanie. De la prise du ciment dépendra la stabilité et la résistance de la plateforme, expliqua Charles aux ouvriers attentifs.
     
    L'ingénieur, satisfait de son inspection, se mit en route pour regagner Malcolm House dans son boghei. En suivant du regard la lente descente du soleil dont l'Océan accaparait les derniers rayons orangés, tandis qu'à l'est des cumulus dodus à fond plat avançaient vers l'archipel, promettant le beau temps, Charles Desteyrac s'estimait favorisé par le destin. Le séjour aux États-Unis l'avait convaincu qu'il était devenu insulaire à part entière. Un homme auquel l'existence dans une grande cité ne pouvait plus convenir. Ce soir, il allait, au seuil de sa maison, retrouver Ottilia épanouie, enjouée, câline. Après le dîner, elle se mettrait au piano et déchiffrerait les partitions de Chopin, de Liszt ou de Beethoven achetées à New York, à moins, la soirée s'annonçant belle, qu'ils ne préfèrent, mains enlacées, bavarder sur la galerie en observant le ballet des chauves-souris. Ces soirées conduisaient au désir que la nuit allait satisfaire. Charles ignorait encore que la raison profonde de sa sérénité, qu'il n'osait appeler bonheur, était de rendre Ottilia heureuse. Il avait inventé pour elle un amour à sa mesure.
     
    L'agréable perspective d'une soirée intime et quiète fut balayée, alors qu'il approchait du village des Arawak, par un jeune homme envoyé à sa rencontre. Maoti-Mata se mourait et souhaitait prendre congé de son ami, l'ingénieur français.
     
    Charles fit monter le messager dans sa voiture et mit le cheval au grand trot.
     
    – Est-ce un accident ? demanda-t-il, chemin faisant.
     
    – C'est usure, mossu, a dit docteu' Ke'mo'. Est bien vieux, not' g'and sachem, mossu, répondit l'Indien.
     
    – Sais-tu son âge ?
     
    – On dit mille lunes, mossu.
     
    Charles, pas plus que lord Simon, ne connaissait l'âge du cacique et, quand le maître de l'île avait conduit Old Gentleman en Angleterre, lors de l'Exposition universelle de 1851, on avait dû inscrire sur le passeport de l'Indien une date de naissance inventée, en fonction, à l'époque, de son apparence physique.
     
    Au village, l'ingénieur vit d'abord les épouses, agenouillées autour de la canaye 8 de Maoti-Mata. La tête couverte d'un

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