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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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tête de mort. C’était un très ancien crâne bruni, aux dents encore luisantes. Guillaume se releva. Le danger ne l’empêchait pas de sourire : il tenait le plus sûr des gages contre la vengeance éventuelle des ultramontains. Juste avant de partir pour Tulle, accompagnant à Saint-Michel les commissaires désignés par la municipalité, conformément aux ordres de la Convention, pour saisir et déposer à la Monnaie les matières précieuses conservées dans les églises, il avait assisté à l’ouverture du reliquaire de Saint-Martial. Il avait vu le crâne dix-sept fois centenaire, extrait de son enveloppe en argent, jeté dans un coin sur d’antiques étoffes et recouvert par d’autres rebuts. Le chef de saint Martial, apôtre de l’Aquitaine, un des soixante-douze disciples ! Sur quoi les fervents catholiques ne passeraient-ils pas l’éponge, un jour, pour rentrer en possession de cette relique ! Que ne pardonnerait-on pas à un homme capable de la rendre à l’Église, et à Limoges dont elle avait fait la prospérité dans les temps de foi ! Mais il fallait que l’authenticité de ces restes ne pût être mise en doute. C’est pourquoi le rusé personnage s’était adjoint Robert : un témoin. En outre, il lui donna le maxillaire inférieur, comme preuve, puis il enveloppa le crâne dans un morceau d’étoffe cramoisie qui devait provenir d’une antique chape ou chasuble.
    Un quart d’heure plus tard, rentré chez lui sans encombre, compère Lunettes logea son précieux gage dans un trou qu’il avait ménagé, avant de partir, dans le mur de sa chambre, et boucha l’ouverture au mortier. De son côté, l’orfèvre procédait de même avec le maxillaire, après en avoir détaché une dent. Guillaume le lui avait recommandé, ainsi que de la faire tenir à l’un de ces prêtres vivant dans les dédales souterrains. Robert en chargea sa femme, elle savait fort bien où se cachait le curé de Saint-Michel. Il faudrait lui dire que c’était une relique, sans plus, afin qu’il la conservât soigneusement. Ainsi le rajustage des trois pièces démontrerait d’une façon formelle leur authenticité, si l’on produisait les deux autres.
    Son travail de maçon terminé, l’ex-moine, un sourire sur sa bouche lippue, s’endormit avec plus de tranquillité qu’il n’en avait connu depuis trois mois. À présent, il s’estimait paré de tous les côtés. Il ne se doutait pas que ses astuces étaient en train de lui préparer des moments difficiles.
    Dans le faubourg Martial, Louvet, lui, ne dormait pas : son hôtesse l’inquiétait. Manifestement, ces charrettes chargées de détenus, les débordements des « maratistes » l’avaient effrayée. Jean-Baptiste se demandait si elle ne redoutait pas désormais, en le gardant chez elle, d’encourir, avec son mari, de pareilles fureurs. En tout cas, la peur la tenait. Les sans-culottes qui entraient ici à tout bout de champ finiraient par s’en rendre compte et en chercher la raison. Ne valait-il pas mieux sortir de cette maison dès l’aube pour rejoindre, à tout risque, la route de Paris ? Sa jambe allait bien, maintenant. Il marcherait.
    Mais il ne pouvait traverser Limoges sans guide. Lorsque, au petit matin, il en dit un mot, Cibot se récria. Ce serait folie ! Il expliqua qu’il ne fallait pas songer à traverser la ville, ni surtout à prendre le faubourg de Paris où les postes exerçaient une surveillance sévère. Il serait indispensable de faire un vaste détour pour retrouver la route. « Vous ne risquez rien céans, ajouta-t-il. Vous partirez demain, foi de Gustou. Accordez-moi la journée, je ne rentrerai pas avant d’avoir trouvé quelqu’un de sûr à qui vous confier jusqu’au terme du voyage. »
    Louvet ne voulut pas chagriner un si brave homme en lui avouant la cause de ses alarmes. Il le laissa donc partir, mais il craignait fort de ne le point revoir. Enfermé dans sa chambre, il passa la journée à écouter des allées et venues, s’attendant sans cesse à une irruption de sans-culottes. La petite femme, en lui apportant à manger, dissimulait mal sa contrainte, qui s’accrut sur le soir. La nuit était tombée, Cibot ne revenait pas. Soudain sa femme, coiffée pour sortir, enveloppée d’une mante et visiblement nerveuse, vint déclarer à Louvet : « Citoyen Larcher, mon mari me fait dire de vous mener sur l’heure à une auberge du faubourg, où vous trouverez des voituriers qui vous

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