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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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d’apposer son visa. L’opération n’en finissait plus, Louvet étouffait sous les manteaux, les jupons. C’est dans cette ville qu’il courait les plus grands risques. Il avait été élu à la Convention par le Loiret : nombre d’Orléanais connaissaient bien sa figure, et il comptait parmi eux ses pires ennemis. Que l’un d’eux l’entrevît, il était perdu. Malheureusement, Champalimaud ne pouvait s’abstenir de faire étape ici : il devait y décharger des colis et en prendre d’autres. Enfin, ces manutentions terminées, on repartit. Mais comme la berline allait franchir la grille du pont, sur la Loire étalée entre ses bancs de sable et qu’un vent froid frisait, un officier sorti du poste intima au conducteur l’ordre d’arrêter. Se présentant à la portière, il lança : « Que tout le monde descende !
    — Nos passeports ont été visés partout, protesta le dragon.
    — Il n’est pas question de ça. Descendez tous. » Les hommes commencèrent de mettre pied à terre. « Les citoyennes aussi, dit l’officier. Il y a bien des scélérats qui prennent le déguisement de femme. Il ne s’agit point de passeports, je veux voir les figures. Qu’il ne reste personne là-haut, j’y regarderai, je vous en préviens. Allons, citoyennes ! »
    Elles descendirent une à une avec leurs jupes secourables. À chacune qui se levait, Louvet se sentait un peu plus découvert, bien qu’elles prissent soin d’entasser sur lui sacs de voyage et paquets. Le cavalier, se défaisant prestement de son vaste manteau, le lui avait jeté dessus. À petit bruit, le hors-la-loi s’arrangea du mieux possible, mais il ne gardait plus d’espoir. Recroquevillé sur lui-même, il sortit le pistolet qu’il cachait sur sa poitrine, dans la poche intérieure de sa houppelande, l’arma et se tint prêt à se faire sauter la cervelle.
    Au bout d’un moment, il sentit l’officier grimper dans la voiture, l’entendit fourgonner parmi les colis, les bagages. Sa botte toucha le proscrit qui disait un silencieux adieu à Lodoïska. Il était convaincu qu’on l’avait reconnu au passage, dénoncé, et que le garde national le cherchait personnellement. En réalité, il fouillait par principe. Après avoir remué les ballots de marchandises entassés derrière la banquette du fond, pour voir s’ils ne couvraient pas une cachette, il donna quelques coups de pieds çà et là, manqua de peu Louvet, puis sauta à terre.
    « C’est bon ! Vous pouvez aller », déclara-t-il.
    Une demi-lieue plus loin, toute la carrossée en tremblait encore. Jean-Baptiste ne savait comment remercier ces affreux maratistes qui, au contraire de nombreux honnêtes gens sur lesquels il avait vainement compté, ne balançaient point à risquer pour lui la prison au moins. En fait, ils jouaient leurs têtes, sans le savoir. Cependant ne s’en doutaient-ils pas ? Ne soupçonnaient-ils pas à présent qu’il n’était point un simple déserteur ?
    « Sacrebleu ! lui dit le dragon, pourquoi diantre vous êtes-vous celé, camarade, puisque cet officier ne se souciait en rien des passeports ?
    — Il restait bien le maître de les demander ensuite. Alors, qu’aurais-je fait ? » répondit Louvet.
    Il s’en voulait de continuer à mentir, mais pouvait-il répondre : « Parce que je suis Jean-Baptiste Louvet, hors la loi, et qu’il suffit de constater mon identité pour m’envoyer à la guillotine » ?
    À l’entrée d’Étampes, la visite fut sévère : un sans-culotte, monté sur le marchepied, mit la tête dans la voiture pour vérifier s’il n’y avait pas plus de voyageurs que de passes. Après quoi on entra dans la petite ville où l’on trouva beaucoup de mouvement. Des soldats obstruaient la rue principale, les tambours battaient aux champs. Un cavalier empanaché, tout bardé de tricolore, passait dans les rangs, les troupes lui portaient les armes. Jean-Baptiste, avec effroi, reconnut son ennemi personnel, Léonard Bourdon, contre qui il avait, lors des élections, fait une violente campagne ici même.
    Un municipal arrêta la berline en disant au conducteur d’attendre la fin de la cérémonie. L’une des femmes, curieuse, s’obstinait à tenir les rideaux ouverts. Louvet, de nouveau en place sur la banquette, se rencognait désespérément. Il suffirait que le Léopard vint à faire tourner son cheval par ici, que son regard tombât sur les occupants de la berline, et tout était dit. La main dans

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