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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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sa poitrine, sur le pistolet, le pouce sur le chien, l’index sur la détente, Louvet avait fermé les yeux. Il les rouvrit en entendant les tambours battre la marche. Bourdon avait disparu, les troupes défilaient.
    « Voilà bien du remue-ménage ! Si nous poussions plus loin, pour dîner ? Il y aura trop de monde ici dans les auberges », dit Champalimaud avec un coup d’œil à Louvet.
    Malgré quelques protestations de la curieuse, on alla deux lieues plus loin, à Étréchy. Ce n’était qu’un petit village, pourtant dix voyageurs y vinrent, comme la voiturée de Champalimaud, s’asseoir à la table d’hôte. Cela faisait beaucoup, mais aucun ne semblait redoutable. Il n’y avait parmi eux qu’un Parisien, canonnier à l’armée des Pyrénées-Orientales d’où il revenait avec un bras en moins. Louvet mangeait donc d’assez bon appétit, quand des cris montèrent de la rue : « Vive le représentant du peuple ! » Fausse alerte, heureusement. Les bonnes gens prenaient pour le député un domestique envoyé en avant. Mais si le courrier passait, le maître ne tarderait point. L’hôte se hâtait de préparer des bouteilles, et la municipalité rustique accourait. Jean-Baptiste n’avait plus faim, cependant que les autres, ces goinfres, n’en finissaient pas de s’empiffrer. Et la curieuse qui minaudait :
    « Nous allons peut-être le voir tout de même, ce grand homme !
    — Non, citoyenne, répliqua Champalimaud. Si nous voulons trouver gîte pour la nuit, il nous faut avancer sans retard. Allons, mesdames, pressons, pressons ! »
    Ainsi la rencontre fut-elle encore évitée.
    Pas pour longtemps, car le représentant du peuple et son cortège étaient attendus également à l’auberge d’Arpajon où l’on descendit à la nuit close. Ils devaient y souper et coucher. Tout y était retenu pour leur usage. Les voyageurs de deux diligences occupaient entièrement les autres hostelleries. Après les avoir visitées, le voiturier revint, fort perplexe, prendre Louvet à part.
    « Impossible d’aller plus loin, lui déclara-t-il. Longjumeau est loin et mes bêtes ont couvert largement leur étape, aujourd’hui. Il faut loger céans. L’hôte nous recevra, il y est obligé, mais c’est vous qui me donnez de la tablature. Ce monsieur député vous connaît par cœur, sans doute ?
    — Sans doute. Il a souvent passé en revue mon bataillon.
    — Oui, oui, j’entends. Dites-moi, vous faites en ce moment des choses que vous n’avez jamais faites, je crois. Eh bien, si vous passiez la nuit sur la paille, dans l’écurie ? »
    Louvet avait eu de pires couchées, en Bretagne ; c’était ni plus ni moins dans la paille d’une grange, à Rostrenen, qu’il avait failli, avec ses compagnons déguisés comme lui en volontaires, être saisi par les troupes maratistes.
    « Pourquoi pas ? répondit-il. Cependant n’y aurait-il point de la bizarrerie. Qu’en penserait la carrossée ?
    — Ne vous inquiétez pas, je m’en charge. »
    Fatigué par les émotions de ce jour, Jean-Baptiste dormit profondément, non point tout à fait sur la paille mais sur un grabat de palefrenier, le pistolet sous la main. Il n’entendit point arriver Bourdon et ses acolytes, et ils étaient encore entre les draps quand on partit, de fort grand matin, car les Limougeauds avaient dû, au milieu de la nuit, céder les lits retenus. Champalimaud observa qu’en s’avisant de coucher dans l’écurie le citoyen Larcher avait trouvé le bon moyen de dormir tranquille.
    « Parbleu ! dit le dragon, je regrette bien de n’en avoir pas fait autant. »
    À Longjumeau, l’examen des passeports fut minutieux et sans histoire, mais au dîner, à La Croix-de-Berny où la table réunissait de nombreux hôtes, Louvet tressaillit en entendant un des convives : un muscadin qui le regardait fixement, dire à l’aubergiste : « Ah ! çà, me prenez-vous donc pour un romancier ? » Un instant plus tard, il y revint. « Je ne fais pas des romans, moi. » Il se pencha vers son voisin, lui chuchota quelques mots, et ce garçon se mit à fredonner le refrain d’une romance bien connue dont Louvet avait écrit les paroles :
    Est-ce crainte, est-ce indifférence ?
    Je voudrais bien le deviner.
    Pas de doute, il était identifié. Bah ! la façon de le lui donner à entendre montrait bien que l’on ne cherchait pas à lui nuire. Un peu cruels comme on l’est aisément à cet âge, ces jeunes gens

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