Un vent d'acier
poursuivit-il, doit reconnaître la force des conceptions du Comité dirigeant, son énergie et la rapidité qu’il apporte à exécuter ses décisions. Allons-nous briser ce rouage au moment où son action commence de produire les résultats espérés ? Citoyens, ne songez ici qu’aux intérêts de la république, écoutez en vous la voix de la sagesse ! » L’Assemblée l’entendit, effectivement. Les Dantonistes se lancèrent vainement à l’assaut. Non soutenus par les acolytes d’Hébert, ils n’ébranlèrent point la majorité. Par un vote massif, la Convention prorogea les pouvoirs du Comité de Salut public.
« Laissons les tigres du pavillon de l’Égalité se dévorer entre eux », dit Danton à ses amis, dédaigneusement. En réalité, déçu, troublé, il mesurait sa chute. Lasse de le voir souffler tout ensemble le chaud et le froid, l’Assemblée se détournait de lui comme s’en était détourné Claude.
Ce ne furent point « les tigres » du Comité qui s’entre-dévorèrent, mais les Hébertistes et les Dantonistes. Plusieurs de ceux-ci, les jours suivants, montèrent à la tribune pour dépeindre avec indignation les abus de pouvoir et les excès de toutes sortes commis en Vendée par les agents hébertistes du Conseil exécutif provisoire. « Tant qu’il y aura un Conseil exécutif, s’écria Bourdon de l’Oise, le gouvernement révolutionnaire ne pourra marcher. » Charlier et lui-même réclamèrent la citation immédiate des ministres à la barre de l’Assemblée. Fabre d’Églantine se leva lui aussi. Blanchi de justesse, aux Jacobins, il sentait peser sur lui, avec le mépris de Robespierre et la suspicion de tout le Comité, la menace d’une accusation capitale. Le renouvellement aurait écarté ce péril. Fabre, déjà en guerre contre le Père Duchesne, était maintenant exaspéré par la défection des partisans d’Hébert à l’Assemblée, qui avaient permis le maintien du Comité en exercice. Il partit à fond contre le ministre de la Guerre, Bouchotte, contre Ronsin, le général de l’armée révolutionnaire, « livrant Paris à ses traîneurs de sabre, aussi insolents et féroces qu’ils sont moustachus. Ils vont jusque dans les foyers des théâtres menacer les spectateurs de les hacher comme chair à pâté », contre Maillard, le Maillard de Septembre, « soi-disant agent de police militaire », enfin contre Vincent, le secrétaire général du ministre, « Vincent qui a inondé Paris d’horribles affiches signées Ronsin, et qui souffle la discorde entre les Cordeliers et les Jacobins ». Fabre demanda l’arrestation de Vincent. Bourdon appuya : Vincent le désignait à la vindicte des Cordeliers pour avoir, pendant sa mission en Vendée, suspendu le général Rossignol.
« Et moi, vint proclamer Lebon, je déclare que, sur la fin d’un repas dont était Vincent, je lui ai entendu dire : Nous forcerons bien la Convention à organiser le gouvernement selon les termes de la Constitution. Nous ne sommes pas les valets du Comité de Salut public. »
Arrivant du Comité de Sûreté générale, Voulland s’efforça de justifier les « maladresses » commises par certains agents des ministères. Selon lui, elles tenaient aux difficultés de la campagne. L’Assemblée ne le suivit point. Outrée par les propos de Vincent, elle décréta que, sous trois jours au plus, le Comité de Salut public lui présenterait un rapport sur la suppression du Conseil exécutif. Cette fois, Robespierre et ses amis ne dirent pas un mot. Ils n’avaient plus à soutenir, ou feindre de soutenir, Hébert.
Le lendemain, Vincent, Ronsin étaient arrêtés, et le Conseil exécutif venait à la barre se justifier. Par la voix de Deforgues, son président, il se défendit d’avoir voulu rivaliser de pouvoir avec la Convention. Le ministre de la Justice, Gohier, affirma que les agents coupables seraient déférés au Tribunal révolutionnaire. Les Cordeliers ripostèrent par l’envoi d’une députation requérant la mise en accusation immédiate des soixante-treize représentants girondistes détenus. Le chapeau sur la tête, le verbe insolent, l’orateur de la faction exigeait. Couthon, président, dut rappeler le grossier personnage au respect de l’Assemblée.
« Je demande, lança Claude, que la Société des Amis des Droits de l’Homme dise une fois pour toutes si, oui ou non, elle se considère comme au-dessus des lois. La loi a institué en France
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