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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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se mêlaient aux queues, en accusant la Convention et le gouvernement, gangrenés par le modérantisme, de spéculer sur la misère du peuple pour instaurer leur despotisme. Un mot courait : « Il faut nommer Pache Grand Juge, et tout s’arrangera. » Le dessein des meneurs semblait être de substituer aux deux Comités un Tribunal suprême présidé par ce Grand Juge assisté d’un « Censeur », et un Conseil militaire dirigé par un « Généralissime ». Le tout, d’ailleurs, paraissait fort vague dans leur esprit. On répétait simplement le nom de Pache, pour la dignité suprême. On nommait parfois Chaumette et Momoro, pour la fonction de censeur. Le généralissime serait sans doute Ronsin. Les conjurés n’avaient pas l’air fixés là-dessus ni sur cent autres détails non moins importants.
    Un soir, Legendre, sincèrement indigné, vint raconter que le matin-même, invité à dîner par Pache, il avait trouvé chez le maire Vincent et Ronsin. Vincent, obligé mainte fois par Legendre avant de se caser à la Guerre, l’avait embrassé avec amitié. « Après quoi, il m’a déclaré », dit le ci-devant boucher, « j’embrasse l’ancien Legendre, non le nouveau, car le nouveau est devenu un modéré et ne mérite aucune estime. Puis voilà-t-il pas que ce petit Vincent me demande d’un air mauvais si j’avais porté dans mes missions le costume des représentants. Moi, je réponds bonnement : Oui, je l’ai porté aux armées. – Eh bien, c’est un costume fort pompeux. De vrais républicains ne se travestissent pas ainsi. Sais-tu ce que je vais faire ? J’habillerai un mannequin avec ces oripeaux, je rassemblerai le peuple et je lui dirai : Voilà les beaux représentants que vous vous êtes donnés ! Ils vous prêchent l’égalité mais se couvrent d’or et de plumes. Et je mettrai le feu au mannequin. Oui, j’y mettrai le feu ! braillait-il en tapant sur la table comme un furieux. – Tu es fou, lui ai-je dit. Il en avait toute la mine. La colère me montait au nez, à moi aussi. J’ai ajouté : Tu es un séditieux ! Nous avons failli nous houspiller, au grand ennui de Pache qui tâchait de nous apaiser. Il a engagé Ronsin à calmer son ami. – À la vérité, répondit Ronsin, Vincent est vif, mais son caractère convient aux circonstances. Il faut de pareils hommes pour les temps où nous vivons. Quant à toi, Legendre, sache-le bien, vous avez une faction dans le sein de l’Assemblée. Si vous ne l’en chassez pas, vous nous en devrez raison. »
    Le gros boucher conclut : « Vous pensez si j’étais indigné ! Je suis sorti en assurant à Pache que je poserai plus les pieds dans sa mairie.
    — Je te remercie, dit Robespierre, de nous avoir avisés. Sois tranquille, toutes les intrigues trouveront bientôt leur terme. »
    Déjà, l’avant-veille, Saint-Just, en faisant voter les moyens d’exécution du décret pris cinq jours plus tôt, le 8 ventôse, avait porté aux Hébertistes un coup paralysant. Leur clientèle se recrutait exclusivement parmi la classe la plus pauvre. Saint-Just, au nom du Comité de Salut public, avait demandé et obtenu que les biens enlevés aux ennemis de la Révolution fussent répartis, dans chaque commune, entre les citoyens malheureux. Ceux-ci n’allaient assurément pas se soulever contre un gouvernement si soucieux de leur sort. La mesure répondait tout ensemble à l’idéal démocratique des Robespierristes et à la nécessité de désarmer la faction cordelière. En même temps, Saint-Just la frappait en dénonçant les fonctionnaires profiteurs de la Révolution : tous nouveaux Cordeliers. « Le lendemain qu’un homme est dans un emploi lucratif, disait le jeune orateur, il met un palais en réquisition, il a des valets, son épouse se plaint qu’elle a bien du mal à trouver des délices. Le mari est monté du parterre aux loges brillantes, et tandis que ces profiteurs se réjouissent, le peuple cultive la terre, fabrique les souliers des soldats et les armes qui défendent les poltrons indifférents. Ils vont, le soir, dans les lieux publics, se plaindre du gouvernement. La compassion les a comblés de biens, ils ne sont point assouvis, il leur faut une révolte pour leur procurer les trésors de Colchide. » Au passage, il stigmatisait les oisifs : « Obligez tout le monde à prendre une profession utile à la liberté. » Mais il réservait sa dernière flèche aux faux patriotes déjà désignés par

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