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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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et le patriotisme opprimés, comme pour punir les coupables. Au demeurant, la situation justifiait l’emprisonnement des suspects. « Je suis sans indulgence pour les ennemis de mon pays », affirma-t-il. Qu’était d’ailleurs cette rigueur si âprement reprochée au gouvernement, à côté de la barbarie de l’ancien régime, voire de la cruauté dont faisaient encore montre les monarchies persistantes ? « En 1788, on a pendu plus d’un millier d’hommes. En un an, votre Tribunal révolutionnaire a fait périr à peine trois cents scélérats. On semble compter pour rien le sang de deux cent mille patriotes répandu et oublié. La Terreur a rempli les maisons d’arrêt, mais on ne punit plus les coupables. » Et, visant les louvoiements de Danton, il dit avec un dédain glacial : « Il est dans la France une secte politique qui joue tous les partis. Parlez-vous de la terreur, elle vous parle de clémence ; devenez-vous cléments, elle vous vante la terreur. Certains voudraient briser l’échafaud parce qu’ils craignent d’y monter. » Faisant allusion à la querelle Hébert-Desmoulins, il ajouta : « Dernièrement, on s’est moins occupé des victoires de la république que de quelques pamphlets. Tandis qu’on détourne le peuple des mâles objets, les auteurs de complots criminels respirent et s’enhardissent. » Pour lui, et c’était là son grand principe, « ceux qui font les révolutions à moitié ne font que creuser leur tombeau ». Il repoussait cependant la terreur systématique : « arme à deux tranchants dont les uns se sont servis à venger le peuple, et d’autres à servir la tyrannie ». En conclusion de son rapport, il demanda d’adoption du décret suivant :
    « Art. 1 er . – Le Comité de Sûreté générale est investi du pouvoir de mettre en liberté les patriotes détenus. Toute personne qui réclamera sa liberté rendra compte de sa conduite depuis le 1 er  mai 1789. Art. 2. – Les propriétés des patriotes sont inviolables et sacrées. Les biens des personnes reconnues ennemies de la Révolution seront séquestrés au profit de la république. Ces personnes seront détenues jusqu’à la paix et bannies ensuite à perpétuité. »
    À son tour, Saint-Just frappait ainsi les deux partis : les Dantonistes qui voulaient briser l’échafaud par crainte d’y monter, et les Hébertistes qui avaient servi la tyrannie en abusant de la terreur. Il laissait aussi planer sur les complots criminels une menaçante ambiguïté dans laquelle pouvaient se confondre les intrigues de Danton et celles d’Hébert. Mais il leur donnait à tous deux, s’ils étaient sincères, des satisfactions par ce décret susceptible de mettre fin à l’irritante question des détentions arbitraires. Danton ne répliqua point, se bornant à demander que l’on épurât les Comités « des faux patriotes en bonnet rouge ». Quant aux rectilignes, Collot d’Herbois, le soir, aux Jacobins, se félicita du décret. En libérant les patriotes détenus, on allait redonner force aux amis de la liberté, ils se replongeraient dans la Révolution avec une vigueur nouvelle. Une délégation des Cordeliers se présenta « pour jurer union avec les Jacobins », et reçut l’accolade fraternelle du président Lavicomterie.
    Toutefois, le petit groupe qui se réunissait chez Duplay, autour de Robespierre toujours condamné à la chambre par le docteur Souberbielle, ne se leurrait point sur ces félicitations et ces embrassades. Les rapports de police, les espions des deux Comités, les municipaux opposés, comme Dubon, aux Hébertistes de la Commune, enfin nombre de patriotes dans les sections où l’influence de Robespierre gagnait sans cesse, affirmaient tous que les ultras préparaient sourdement une troisième révolution. Au grand jour, ils n’attaquaient que les Dantonistes ; aux Cordeliers, on avait voté leur expulsion de la Montagne, en qualifiant celle-ci de roche Tarpéienne. Mais en réalité on voulait jeter bas toute la Convention sauf quelques députés cordeliers. Les ultras comptaient sur les épauletiers de l’armée révolutionnaire dont quatre mille hommes restaient à Paris, et sur une quantité de septembriseurs, d’aventuriers, de tape-dur échappés au contrôle du grand Maillard miné par sa maladie.
    Avec une insolence croissante depuis la libération de Vincent et de Ronsin, tous ces séides se répandaient dans les cafés, les assemblées de sections,

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