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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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clôture des débats.
    Pourtant les jurés n’étaient pas d’accord. Il leur fallut deux heures pour s’y mettre. Quand ils ressortirent enfin de leur salle de délibération, ils rapportèrent un verdict affirmatif sur toutes les questions, sauf, bien entendu sur celles qui concernaient Laboureau. On le fit rentrer isolément. En l’entendant acquitter, le gendarme qui l’escortait se jeta dans ses bras. Fouquier-Tinville, seul, connaissait le rôle joué par le jeune étudiant contre lequel il s’était gardé de requérir. Le président, les juges, les jurés lui donnèrent l’accolade aux applaudissements de l’assistance. Dumas, le plaçant près de lui sur l’estrade, s’écria le plus sincèrement du monde : « La justice voit avec plaisir l’innocence s’asseoir à ses côtés. » Puis il ordonna d’introduire les autres accusés. Apercevant Laboureau, assis à la droite du président, ils comprirent. Hébert, le regard fixe, les yeux pleins de larmes, était livide. Il écouta la lecture de son arrêt en grelottant de terreur. Ses jambes se dérobaient sous lui. Deux gendarmes l’emportèrent. Clootz, condamné aussi, en appela « au genre humain ». Momoro, Vincent, Ronsin conservèrent la même fermeté qu’ils avaient montrée en prison.
    Pendant la nuit, Hébert eut une crise horrible. Nerveux et imaginatif, il distinguait la guillotine devant lui, il se sentait basculer sur la planche, sa tête s’engageait dans la chatière, comme il avait si souvent appelé la lunette ; il attendait la chute du couteau. Et il se débattait comme un fou, en hurlant à ses compagnons : « Les assassins ! les assassins ! Ils viennent me tuer. Les voilà, ils viennent pour me saisir. Au secours ! Défendez-moi ! »
    Dès le matin, les rues, de la Maison de justice à la place de la Révolution, et celle-ci tout entière, étaient garnies de spectateurs déjà en place pour se trouver eu premier rang. Depuis la veille, on louait les fenêtres au long du trajet. Les mieux situées se payaient jusqu’à vingt-cinq francs. Comme pour les exécutions de Capet et de l’Autrichienne, mais favorisés maintenant par le temps beau et doux, les curieux couronnaient le mur du Jardin national. On appliquait contre les grilles des échelles où des citoyennes ne craignaient pas de se percher, en serrant pudiquement leurs cottes. Des gamins, des sans-culottes ingambes grimpaient sur les chevaux de pierre, dans les arbres, sur la statue, à présent informe, de la Liberté. Au milieu de cette foule ne manquaient pas les profiteurs de l’anarchie, furieux de voir son règne finir avec les Hébertistes. Les agents signalaient à Héron qu’il y avait « des hommes et des femmes apostés sur la place pour y semer le trouble ». Mais le sort fait aux meneurs ultras donnait à réfléchir. On ne se trouvait plus en présence d’une Assemblée divisée, faible, tenue en échec par la Commune, hésitant devant la turbulence des sections. Le Comité de Salut public avait tout réduit à sa loi, il frappait comme l’éclair et impitoyablement. Enfin il comptait pour lui l’immense majorité de la population, elle le montrait assez par son allégresse. « J’illuminerais, disait un patriote, si la chandelle n’était tant rare. »
    À quatre heures, de la Conciergerie à l’échafaud un bruit courut comme le feu au long d’une traînée de poudre. Les charrettes partaient. Sanson avait attendu, les condamnés ayant demandé à souper. Mais seuls Clootz et Ronsin achevèrent leur demi-bouteille de vin et leur potage. Hébert, amené au petit escalier, pouvait à peine se soutenir. Les aides durent le hisser sur son banc. Une demi-heure plus tard, Carnot, coincé dans la rue de la Convention par le sinistre cortège, voyait malgré lui défiler entre des pelotons de soldats nationaux les six charrettes couleur de sang, précédées et suivies par des sans-culottes en joie qui braillaient : « Ah ! il est bougrement en colère, le Père Duchesne ! » Ils brandissaient à bout de piques une imitation des célèbres fourneaux. Effondré, aux trois quarts privé de sens, Hébert n’entendait pas. Anacharsis Clootz, debout, criait au peuple : « Mes amis, je vous prie de ne pas me confondre avec ces coquins-là. »
    Les observateurs de police rapportèrent que Ronsin, Momoro, Vincent, Proli étaient morts bravement. Il avait fallu descendre Hébert de la charrette pour le porter jusque sur la planche.

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