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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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cabinet. Il était fort tôt. Par la fenêtre on voyait, sous la terrasse, dans le Jardin national sur lequel le château projetait son ombre, la rosée argenter encore autour du bassin les carrés de pommes de terre remplaçant pelouses et corbeilles. Au-delà, le soleil ne touchait que le haut des marronniers aux cippes de fleurs blanches ou roses. On relevait les gardes civiques préposés à la surveillance des légumes. Claude était anxieux. Durant ces six jours, il avait peu vu Robespierre et ne savait au juste quelle forme allait prendre l’attaque contre les Dantonistes. Jusqu’où irait-on ? Le Bas lui avait rapporté un mot de Saint-Just apercevant Danton chez un ami commun : « Je frémis en songeant qu’on veut que cet homme n’existe plus dans dix jours. » Pourtant Saint-Just semblait résolu à l’anéantir. Oui, certes, il fallait en débarrasser la république, mais de là tout de même à le tuer ! L’attaque, d’ailleurs, n’allait pas sans grands périls. Amar, Vadier, Barère, David, Voulland cachaient mal leur peur. Danton avait pour lui les royalistes, les gros bourgeois, les culottes dorées, les muscadins, les profiteurs ; on pouvait s’attendre à tout. Ces incertitudes, cette dramatique atmosphère portaient la nervosité au paroxysme. Claude sursauta quand la porte s’ouvrit et il poussa un soupir en apercevant Robespierre. Son anxiété, à lui aussi, se lisait sur ses traits, bien qu’il se forçât de paraître impassible, mais une fois entré il les laissa se dénouer.
    « Danton et Desmoulins, dit-il, sont perdus. Le rapport de Saint-Just sera mortel. » Il ôta ses lunettes, et, le regard dans le vague, ajouta : « Pourquoi s’obstinent-ils ? Pourquoi ne se dérobent-ils point au glaive ? Tant d’autres ont fui, qui vivent en sûreté.
    — Le rapport est prêt ?
    — Saint-Just le lira au Comité ce soir, il pourra être présenté à la Convention demain. »
    Claude comprenait d’autant mieux les souhaits inexprimés de Robespierre qu’ils étaient également les siens. Il n’y avait plus moyen non seulement de ne pas frapper Danton, mais même de ne point se montrer résolu à sa perte. Quiconque, au sein du Comité, semblerait le protéger encore se vouerait à l’échafaud. On avait trop longtemps, tout en le sachant coupable, résisté à ceux qui voulaient l’immoler. Aux yeux de Billaud-Varenne, de Collot, de Vadier, d’Amar, de Voulland, et de tous les patriotes rectilignes, cette faiblesse pour l’homme devenait un crime contre la république. En dehors des deux Comités, nombre de conventionnels partageaient cette opinion. Gay-Vernon ne disait-il pas : « On conçoit mal votre lenteur à punir des scélérats dont l’action perverse se confirme chaque jour. » La seule chose que l’on pût encore faire pour Danton consistait à le convaincre de s’enfuir. Et puis on éviterait ainsi les périls de l’attaque finale.
    Robespierre passa dans son cabinet. Claude sonna pour envoyer le garçon de bureau lui chercher un locatis, bien attelé. Il ne voulait pas prendre une voiture de service, avec un automédon fort susceptible d’espionner pour le compte de la Sûreté générale. Il se fit conduire grand train. Tandis que le cabriolet longeait la Seine en direction du Point du Jour, il dressa ses batteries : pour obtenir un résultat, il fallait effrayer. Il s’y efforcerait.
    À Sèvres, par cette matinée assez fraîche, et qui tournait à l’aigre après les trop belles promesses de l’aube, Danton se tenait au coin du feu, les jambes protégées par des jambières en carton. Desmoulins et Delacroix étaient venus de Paris. Camille, mal peigné, le teint plus jaune que jamais, les yeux fiévreux, se perdait en balbutiements de colère et d’effroi. Plus maître de lui, l’athlétique Delacroix expliquait que tout le monde, à l’Assemblée, considérait leur arrestation comme imminente. Danton, dans son fauteuil, écoutait avec indifférence. Camille hoqueta en se tordant les mains : « Ne… ne feras-tu rien ? Nous laisseras… nous laisseras-tu tuer ?
    — Ne tremble pas comme ça, dit Danton non sans mépris. Il faut attendre ce fameux rapport. C’est alors que je livrerai bataille. Nous verrons qui, du jeune homme ou de Danton, est capable de rallier la Convention, de la soulever d’enthousiasme. Je le ridiculiserai, ce petit pédant, je l’écraserai, il rentrera sous terre. J’anéantirai les trente tyrans,

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