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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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deux femmes, installées rue de la Contrescarpe, au coin de la rue Neuve-Geneviève, non loin du Panthéon. Elles recevaient dans leur logement nombre d’adeptes formant la Cour de la Mère de Dieu : ainsi appelait-on maintenant Catherine Théot. Des dénonciations sur ces rassemblements étaient arrivées à la section de l’Observatoire, qui n’y avait pas donné suite. Héron et son bras droit Sénar, s’étant présentés comme catéchumènes, avaient assisté à quelques séances, sans voir là aucun personnage intéressant, hormis soudain dom Gerle, l’ancien constituant, ex-protecteur d’une autre prophétesse : Suzanne Labrousse. Grâce à la présence de dom Gerle, on donnerait aisément à l’affaire une teinte politique et on pourrait l’étendre, avec quelques chances d’en éclabousser Robespierre.
    « Héron et Sénar ont coffré tout ce monde, conclut Vadier. Nous allons procéder à l’instruction. Le diable m’emporte si je ne fais pas du rapport un soufflet capable de moucher notre sainte Chandelle ! »
    Claude se retira, songeur. Manifestement Vadier, après Billaud-Varenne, tenait déjà pour acquise sa rupture avec Maximilien. En vérité, il semblait difficile de faire échec à son système en le ménageant, lui. On ne moucherait pas la sainte Chandelle, comme le disait Vadier, sans abattre Robespierre. Eh bien, pourquoi pas, s’il le fallait !
    Claude n’avait jamais été vraiment robespierriste. Il avait soutenu Maximilien tant que celui-ci répondait incontestablement aux besoins du Comité, de la nation. Il s’était associé à lui pour combattre la double faction, en comptant qu’ensuite, ultras et citras anéantis, toutes les forces révolutionnaires concourraient pour conduire la France à la victoire et au régime institué par la Constitution. La lutte contre les factieux hébertistes et les factieux dantonistes exigeait l’union de tous les patriotes. Il avait fallu cette impérieuse nécessité pour le faire passer, lui Claude, sur l’incompatibilité essentielle existant depuis toujours entre lui et Maximilien, sur l’opposition d’idées qui avait si vivement éclaté en pleine séance des deux Comités, àpropos de Clootz et Gobel. Et voilà maintenant qu’au lieu du concert espéré, Robespierre se dressait en chef d’une nouvelle faction. Car lui, Couthon, Saint-Just, violant la Constitution enfermée dans l’arche en bois de cèdre, lui substituaient déjà leurs propres institutions, avouaient le dessein de fonder une république déiste et autoritaire. Maximilien, dominant l’Assemblée au moyen des deux autres triumvirs, entendait dicter ses propres lois. Sa conviction tyrannique, libérée des ménagements que lui avaient imposés ses redoutables adversaires, à présent disparus, l’emporterait bientôt sans mesure. L’hostilité violente se déclencherait inévitablement entre lui et ceux qu’il avait déjà, aux Jacobins, marqués en les appelant, « les imbéciles, les hommes corrompus ».
    Oui, pensait Claude avec une sourde colère, je suis de ces imbéciles pour lesquels la liberté ne va pas sans la liberté de conscience, et je ne reculerai devant rien pour la défendre.

VII
    Collot d’Herbois logeait au numéro 4 de la rue Favart, près de la rue de la Loi, ci-devant Richelieu, au troisième étage. Au cinquième, dans une mansarde, vivait depuis six mois un homme de cinquante ans nommé Henri Ladmiral. Ancien domestique d’une famille noble, puis garçon de bureau à la Loterie, il se trouvait sans emploi depuis la suppression de celle-ci, comme immorale, par la loi du 25 brumaire. Les cent cinquante francs d’indemnité qu’il avait reçus à ce moment avaient duré d’autant moins qu’il était joueur et porté sur la bouteille. Incapable de se reclasser dans une société où toutes les places revenaient aux patriotes, il vivotait misérablement et s’aigrissait, encore qu’il eût une jolie maîtresse : une ci-devant noble, séparée de son mari en émigration. Elle se partageait entre Ladmiral et le conventionnel Turreau qui lui facilitait une existence difficile en lui fournissant sa protection, avec tous les certificats, visas, cartes, dont il fallait de plus en plus être muni pour ne point aller en prison. Quant au triste Ladmiral, elle lui confiait un peu d’argent au moyen de quoi il achetait, aux criées de biens d’émigrés ou de condamnés, des petits meubles, des objets, du linge, des habits, pour

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