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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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incorrigible plaisantin. Il eût cultivé la facétie même sur la bascule. Voltairien jusqu’à la moelle, il jetait feu et flammes depuis que Robespierre se posait en grand prêtre d’une religion d’État. La question Audouin le laissait indifférent.
    « Fais-en à ton gré », dit-il avec son tenace accent gascon, et il ajouta : « Tu as abandonné pour de bon, j’espère, ton Maximilien ? Il faut barrer la route à ce calotin fanatique, et nous débarrasser de cette clique d’imbéciles qui veulent se remettre à dire la messe. J’en trouverai le moyen, je te le garantis. »
    Claude n’en doutait point, il connaissait Vadier depuis 89 : cet ancien conseiller au présidial de Pamiers, député aux États généraux, à la Constituante, juge au tribunal de Mirepoix durant la Législative, envoyé de nouveau par l’Ariège à la Convention, avait la vocation tout ensemble procédurière et policière, assortie à son esprit retors. Il regardait Claude d’un œil pétillant. « Je crois même le tenir dès à présent, ce moyen. Que penses-tu de ça ? » demanda-t-il en lançant à travers son bureau un dossier. « Voilà ce que Héron et Sénar ont découvert dans les papiers de feu Chaumette. »
    C’était, entre autres paperasses, un cahier de six feuilles portant de singulières notations :
    « Du 23 décembre 1790. – Eh bien, voilà les calamités qui veulent se multiplier, mais il ne faut pas s’en inquiéter.
    Du 23 janvier 1791. – Il y en a quelques-uns qui ont passé de ce monde-ci dans l’autre, mais il ne faut pas s’en inquiéter, car ce n’est qu’une absence.
    Du 23 mars 1791. – Il ne faut pas s’inquiéter des événements qui se passent sur la terre, parce que le temps n’est pas encore venu. Nous sommes satisfaits de quelques-uns de ces hommes qui se sont attachés à nous.
    Du 10 juin 1791. – Il est arrivé à son ordinaire. Il m’a donné sa bénédiction. Que les hommes ne s’impatientent pas et qu’ils se préparent, parce que le temps approche.
    Du 2 août 1791. – Il a passé, il y a quelques jours, Il m’a donné sa bénédiction, et Il a répété : Surtout la prière. » Etc.
    « Quelles sont ces élucubrations ? dit Claude. Et d’où viennent-elles ?
    — De chez une veuve Godefroid, couturière, qui demeurait rue des Rosiers, au cinquième sur la cour. Tu as le procès-verbal d’une perquisition opérée là en janvier de l’an dernier par le commissaire de la section des Droits de l’homme. La citoyenne Godefroid logeait une certaine Catherine Théot, qui, après avoir longtemps servi des petits bourgeois, est devenue sur le tard visionnaire et thaumaturge. Elles avaient été signalées à la police par des gens du quartier. On les a conduites à l’Hôtel de ville et relâchées après un interrogatoire dont il ne reste nulle trace, mais Chaumette avait conservé ces papiers. Vois donc le reste. »
    Il consistait en brouillons de lettres dictées à la veuve Godefroid par Catherine Théot qui ne savait pas lire. L’un d’eux était ainsi rédigé : « J’ai l’honneur de vous faire écrire ceci, comme j’ai beaucoup de confiance en vous et que vous aimez à faire les œuvres de Dieu, c’est pourquoi que Dieu vous a choisi pour être l’ange de son conseil, et pour être le guide de sa milice pour les conduire dans la voie de Dieu. Je vous prie de prier l’Assemblée de faire faire des processions, afin que le Seigneur nous envoie de la pluie, et faire un mandement qui soit signé par l’Assemblée. » Ces brouillons ne comportaient ni date ni mention de destinataire.
    « Que dirais-tu, demanda Vadier d’un ton sardonique, si ce Il et ce vous c’était Robespierre ?
    — Cela ne se soutient pas un instant, répondit Claude avec un haussement d’épaule.
    — Pourquoi pas ? Son discours sur l’Être suprême ne pourrait-il pas être ce « mandement » ? La Convention ne l’a-t-elle pas « signé » ? La « procession » n’est-elle pas en train de se préparer pour le 20 prairial ?
    — Allons donc ! Tu n’y crois pas, toi-même.
    — Pour le moment. Mais j’arriverai à y croire, y faire croire et à couvrir de ridicule l’Incorruptible, pour peu que les choses paraissent désigner en lui cet ange du Seigneur, ce guide des milices célestes. Et, jubila Vadier frottant ses mains sèches, les choses sont présentement en fort bonne voie. »
    Les agents d’Héron avaient retrouvé les

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