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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Nature de vous préparer d’abondantes récoltes. Il vous observe, soyez dignes de ses bienfaits. » En lisant ces inepties placardées sur les murs du Carrousel, Claude eut le vertige. Il ne restait plus qu’à renouveler le vœu de Louis XIII ! N’aurait-on mené depuis 89 cette farouche bataille contre l’esclavage, les préjugés, l’obscurantisme, que pour replonger le peuple en plein Moyen Âge ?
    La force de sa conviction antireligieuse n’aveuglait pas Claude. De même qu’elle n’avait point diminué pour lui l’odieux des chienlits hébertistes, de même elle ne lui cachait pas qu’en voulant symboliser dans la divinité un idéal de justice, de dignité, de fraternité, Robespierre luttait contre l’anarchie et la corruption. Mais sa nature de prêtre manqué le faisait recourir à un remède abominable : au moyen dont l’Église et la royauté s’étaient servies pendant des siècles pour maintenir leurs sujets dans l’ordre, la patience et la soumission. Inutile de discuter, ni au Comité ni à la Convention ni aux Jacobins. Un esprit si profondément obstiné, qui avait couvé pendant longtemps son dessein en dépit de tous les avertissements, ne reculerait pas. Il fallait combattre par des moyens plus efficaces que la discussion cette extravagance de Robespierre.
    Pourtant Claude le soutint, à la réunion des Comités, ce soir-là, afin de sauver la sœur de Louis XVI. Les patriotes rectilignes réclamaient son jugement. N’était-elle pas complice de tous les crimes imputés à Capet et à sa femme, complice de leur fuite, de la séduction des commissaires Pétion et Barnave pendant le retour de Varennes, complice des préparatifs du massacre, aux Tuileries ! On ne pouvait guère répondre à ces arguments. Robespierre rétorqua seulement, avec obstination, que la mort de Madame Élisabeth ne servirait en rien la république. Au contraire, cette cruauté inutile lui nuirait aux yeux des nations. À quoi Collot répliquait : Ne pas condamner cette femme nous nuirait davantage, car cela laisserait supposer que nous nous repentons d’avoir exécuté son frère et sa belle-sœur. « Pas du tout, dit Claude, cela prouverait simplement que sa culpabilité étant moindre, la république, généreuse, lui pardonne. Cette femme est désormais inoffensive. Pourquoi la tuer ? » Il plaida la cause de l’humanité, longuement mais en vain. Le rigide Collot demeura impitoyable. Claude dut abandonner la malheureuse, donner ce gage aux rectilignes, avec lesquels il lui fallait marcher dorénavant.
    Touché d’avoir eu son appui, et peut-être non sans remords, Maximilien lui dit : « Tu n’approuves pas, je le sais bien, la direction que j’ai prise. J’y étais obligé. Seule une foi profonde, universelle, liée à l’instinct croyant du peuple, peut assurer l’honnêteté et la félicité dans la république. Sans doute as-tu compris les motifs qui me guident. Quoi qu’il en soit, je te remercie de ne t’être pas joint aux adversaires de mon rapport.
    — Non, je n’approuve pas ton moyen. Mais je pense que tu ne me ranges point parmi les imbéciles ou les hommes corrompus dont tu parlais. Je connais l’intérêt supérieur de la Révolution. Je m’y suis toujours plié, j’y ai tout sacrifié. Sois-en sûr, je suis prêt à y sacrifier encore, et tu le verras », répondit Claude.
    Deux jours plus tard, Madame Élisabeth, qui ne comptait pas encore trente ans, arrivait sur la place du Sang, comme disaient les muscadins, avec vingt-quatre autres personnes convaincues de menées contre-révolutionnaires. Il y avait là des ci-devant nobles : un Loménie de Brienne, M mes  de Crussol, de Laigle, de Montmorin, la vieille M me  de Senozan, sœur de Malesherbes guillotiné dix jours plus tôt, deux prêtres, des bourgeois, des domestiques. Madame Élisabeth devait mourir la dernière, comme la plus coupable. Nicolas Vinchon la vit s’asseoir sur un des paniers destinés à transporter les corps, pour attendre là son tour. Alors, chacun des aristocrates montant à l’échafaud vint au passage s’incliner devant la princesse. Les hommes ployaient le genou, les femmes faisaient une grande révérence de cour. Sereine, Madame les embrassait tous. Quand elle fut, à la fin, devant la planche, Sanson voulut la défaire de la mousseline qui lui voilait la gorge. Elle rougit violemment et s’exclama : « Au nom de votre mère, monsieur, couvrez-moi ! » Il replaça

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