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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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vieil ami. Ses pensées ont été très coupables, certes, mais quel mal ont-elles vraiment causé à la nation ? Pour châtier son inconséquence, la folie dont elle convient elle-même, devons-nous, je le répète, briser la vie d’un innocent et surtout blesser au cœur un de nos meilleurs patriotes, un des plus loyaux soldats de la Révolution, le chef de bataillon à qui la république doit, je le rappelle, le premier drapeau enlevé aux Prussiens ?
    — Il ne mériterait pas le titre de patriote, répliqua durement Collot d’Herbois, s’il n’était le premier à condamner une contre-révolutionnaire si prononcée, fût-elle sa sœur, lui eût-elle servi de mère. Ta noble amitié pour lui excuse seule à mes yeux ton rapport. Si nous ne te connaissions bien, Mounier-Dupré, je t’accuserais toi-même de n’être pas un bon républicain. Cette femme doit aller au tribunal. »
    Claude voulut répondre. Robespierre, tapotant sur la table, ne lui en laissa pas le loisir.
    « Je partage ton avis, Collot, déclara Maximilien : cette femme est condamnable. Cependant j’opinerai avec Mounier-Dupré, car le crime, effectivement, n’a pas nui à la nation. Je le répète une fois de plus, il ne s’agit pas de frapper sans pitié les petits coupables égarés. C’est aux chefs de conjuration, aux grands meneurs des complots contre le peuple que nous devons réserver notre impitoyable rigueur. »
    À vous les tout premiers, pensait-il, assurément.
    Carnot, Prieur, Lindet, Panis, Vadier, Moïse Bayle, Voulland, suivirent également Claude, mais la plus grande partie du Comité de Sûreté générale confirma sa première opinion en concluant au renvoi devant le tribunal. Barère se joignit à ces inflexibles, et David aussi contrairement à toute attente. Cela faisait douze voix contre neuf. « C’est bon, je m’incline », dit Claude. Il estimait opportun de ne pas s’insurger, afin de ne point donner l’éveil à ses collègues sur ses intentions. Bien résolu a employer une ultime ressource, il abandonna le dossier aux mains d’Amar qui le transmettrait certainement ce soir même.
    Dès le lendemain matin, avant sept heures, Claude était à la Tournelle. L’accusateur public dans son cabinet, en culotte et corps de chemise, sans cravate, annotait des pièces tout en déjeunant d’un morceau de pain et de saucisson. Dans un angle, on voyait le châlit sur lequel il avait dormi tout habillé. Ce surmenage et cette frugalité n’empêchaient pas Fouquier de souper parfois, somptueusement, en ville avec des amis rien moins que révolutionnaires. Certaine nuit même, une patrouille, dont le chef ne connaissait point le fameux accusateur public, s’était permis d’arrêter ce groupe suspect : ce pourquoi ledit chef, convaincu d’intentions subversives, se trouvait maintenant en prison. Claude savait bien d’autres choses – assez sympathiques, du reste – sur Fouquier : en particulier que plusieurs robins, ses anciens confrères, voués au Tribunal révolutionnaire par la définition des suspects selon Merlin de Douai, n’avaient jamais comparu devant le jury. L’ex-président Montané, notamment.
    « Je te serais reconnaissant, dit Claude, si tu ajoutais aux dossiers sur lesquels tu as mis le coude, celui d’une nommée Léonarde Delmay, épouse Montégut, de Limoges.
    — Sur lesquels j’ai mis le coude !
    — Oui, mon ami. Tu m’entends. Ce n’est pas un reproche, mais donnant donnant. Cette femme est la sœur du général. À cause de lui, nous sommes quelques-uns, dans les deux Comités, à ne point vouloir que sa sœur comparaisse, même si nous avons dû te l’envoyer. Alors avise pour elle, comme tu as avisé pour certains dont on pourrait citer les noms.
    — Moi, je ne protège personne, répondit Fouquier, arquant davantage ses noirs sourcils. J’ai seulement trop de travail. Vois cette pile. Chaque jour, de nouveaux dossiers tombent là-dessus. Comment pourrais-je jamais arriver à ceux qui sont dessous ? » Avec un clin d’œil, il souleva la masse et glissa, bon dernier, celui de Léonarde. « Toutefois, reprit-il, si tes collègues s’en informaient, je serais bien obligé de le sortir.
    — Nul ne s’en souciera. Une affaire réglée aux Tuileries, personne n’y songe plus. Il y en a trop. Qui aurait le loisir de vérifier les listes d’exécutions pour savoir si tel ou tel obscur coupable a subi ou non son châtiment ! »
    De fait, Léonarde ne

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