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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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d’un quart d’heure après, ils trottaient de nouveau vers Ransart. Comme, à mi-chemin, ils allaient atteindre Gosselies, ils tombèrent soudain, au sortir du bois proche de ce bourg, dans une masse de bataillons républicains battant en retraite. C’étaient les deux divisions du général Morlot qui, menacées de se voir tournées, se repliaient en bon ordre sur la redoute.
    « Pourquoi tournées ? se récria Bernard.
    — Parce que, lui répondit Morlot, Championnet m’a fait savoir qu’il devait se retirer, Lefebvre recule et découvre tout notre flanc.
    — Sacrebleu ! Tu vas regagner tes positions, citoyen, et vivement. Ne te soucie pas du reste. Je te couvrirai avec de la réserve, s’il le faut. En avant, en avant ! »
    Lui-même galopa vers Heppignies pour arrêter Championnet qui avait abandonné les retranchements. Déjà Jourdan, accouru, était en train de les faire reprendre.
    « Lefebvre n’a nullement lâché pied, dit-il. Je ne sais comment ce bruit s’est répandu. Saint-Just est là-bas. Tout le front tient.
    — Et Kléber chasse l’ennemi, fit Bernard. C’est le moment de frapper fort. »
    Ils décidèrent de lancer une charge massive afin de bousculer les Impériaux dans la plaine. Bernard fit avancer de Ransart une des brigades du général Hatry et la division de grosse cavalerie. Puis il dut partir en hâte, car un avis de l’ Entreprenant annonçait une débandade à l’extrémité de l’aile droite. De nouveau, comme le 28 prairial, Beaulieu avait repoussé Marceau, dont une division s’enfuyait à travers bois jusqu’à la Sambre et la traversait en panique. Marceau, avec son autre division, venait de se jeter derrière les retranchements de Lambusart. Il s’y défendait farouchement. Pour le soutenir, Soult, chef d’état-major de Lefebvre, repliant les avant-postes de Fleurus, étendait l’aile droite sur Lambusart, lorsque Bernard arriva, amenant le reste de la division Hatry. Plus de trente mille hommes se trouvèrent ainsi rassemblés entre Fleurus et Lambusart pour tenir tête à un nombre sensiblement égal de Kaiserlick et d’Anglo-Hollandais, autant du moins que l’on pût l’estimer dans la fumée de la fusillade. Eux aussi, ils lançaient là toute leur réserve.
    La bataille, entre le bourg et le hameau, devint bientôt furieuse. Dans un brouillard de soufre et de salpêtre, soixante mille fusils faisaient des feux de file, de peloton, de compagnie, de bataillon, ou à volonté. Les petits canons d’infanterie crachaient leur mitraille avec de longues flammes orange. On se tirait dessus à quelques pas de distance ou à bout portant. On s’assommait à coups de crosse, on s’ouvrait le ventre à la baïonnette. On s’entr’égorgeait au milieu des incendies, car les broussailles s’étaient enflammées. Des haies sèches, des champs de blé, des cabanes dans les vergers du hameau, des meules de foin, brûlaient, dévorant la fumée noire de la poudre et lançant des tourbillons de fumée blanche, suffocante. Bernard, en plein centre du combat, avec Malinvaud et Sage à ses côtés, se vit entouré par des énergumènes en uniforme blanc, qui sabraient en hurlant : « Mort aux Carmagnoles ! Vive le Roi ! » Bernard en abattit un d’un coup de pistolet. Sage fendit la tête d’un autre. « Ce sont les émigrés de Lambesc », dit la voix claironnante du citoyen Hatry sortant de la fumée avec un bataillon qui se ruait, baïonnette en avant, aux cris de : « Tue les royalistes ! Vive la République ! À mort les aristocrates ! » Ils les refoulèrent, pêle-mêle avec les Autrichiens. Puis on distingua, entre les rideaux fuligineux, des rangs de cuirassiers au chapeau noir à plumet rouge, de dragons verts, qui fonçaient dans le flanc ennemi. Jourdan, après avoir repoussé l’adversaire loin des positions du centre, arrivait avec toute la cavalerie française. Tandis que Bernard, faisant rassembler par ses officiers les troupes de Marceau, de Hatry, de Lefebvre, lançait une charge en masse, depuis Lambusart jusqu’à Wangenies, les brigades étincelantes entraînées par Jourdan et Saint-Just s’enfonçaient comme un coin au cœur des divisions autrichiennes. Rompues par la cavalerie, pressées par l’infanterie bleue, elles lâchèrent pied et rejoignirent en désordre leurs lignes de départ.
    Il y eut alors dans le carnage une sorte de suspens. Les deux armées reprenaient haleine, séparées par un intervalle :

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