Un vent d'acier
très longtemps… Hier, 12 courant, le même B. D. L. est sorti de la Convention, est allé s’asseoir dans l’allée des Feuillants avec trois citoyens. Après un quart d’heure ils se sont levés et nous avons remarqué que les autres lui adressaient toujours la parole et qu’il se débattait plus que les autres. Après être restés très longtemps debout, ils s’en sont allés par les Feuillants. B. de L. tenait un citoyen par-dessous le bras et sont entrés au n o 55 rue Honoré, y est resté environ deux heures et en est sorti sur les quatre heures et demie. Est allé rue des Pères n o 143o, y est resté dix minutes. Sortant de là, il est rentré chez lui d’où nous ne l’avons pas vu ressortir. »
Bourdon de l’Oise ne semblait pas se savoir épié. Il n’en allait pas de même pour Tallien, avec lequel le sieur Guérin avait des difficultés. Il écrivait : « Le 14 messidor . Nous ne serions pas surpris que le sieur Rambouillet, qui a été placé à la police par le citoyen Ta. et qui vient d’être renvoyé de son emploi, ne fût un de ceux que ce député emploie auprès de lui pour l’escorter et savoir si on le surveille. Il est impossible de surveiller ledit député dans sa rue, vu qu’elle est fort courte et droite. Il n’y a aucune retraite, et pour peu que les locataires de ladite rue s’aperçoivent qu’un individu passe fréquemment, ils se mettent aux croisées ou envoient leurs domestiques sur la porte, en sorte qu’il est impossible à un surveillant de faire sentinelle dans le voisinage de ce domicile. »
Aux Jacobins, Robespierre reprenait et développait le thème de son discours du 9 sur la ligue des hommes corrompus : « On s’efforce de jeter sur les défenseurs de la république un vernis d’injustice et de cruauté. On dénonce comme des attentats contre l’humanité la sévérité employée contre les conspirateurs. Celui qui protège et favorise ainsi les aristocrates, combat par là même les patriotes. Il faut que la Révolution se décide par la ruine des uns ou des autres… Déjà sans doute s’est-on aperçu que tel patriote (c’est-à-dire Robespierre lui-même), qui veut venger la liberté et l’affermir, est sans cesse arrêté dans ses opérations par la calomnie qui le présente aux yeux du peuple comme un homme redoutable et dangereux… Les despotes et leurs satellites croient pouvoir nous amener à nous détruire les uns les autres, par la défiance qu’ils veulent exciter parmi nous. » Et, peu après, il parlait plus clairement encore : « J’invite tous les membres de la Convention à se mettre en garde contre les insinuations de certains personnages qui, craignant pour eux-mêmes, veulent faire partager leurs craintes. On cherche à persuader chaque membre que le Comité de Salut public l’a proscrit. Ce complot existe, tous les bons citoyens doivent se rallier pour l’étouffer. »
Saint-Just, lui, n’avait nullement déserté le Comité. Il venait régulièrement aux séances et montrait un sincère désir de concorde. Mais, le 14, il se prit une nouvelle fois de colère contre Carnot, à juste titre, reconnut Claude. Alors que Pichegru, avec l’armée du Nord, et Jourdan avec l’armée dite désormais de Sambre-et-Meuse, convergeaient sur Bruxelles, Carnot ne s’était-il pas mis en tête l’idée extravagante de détourner Pichegru vers la mer ? Il devrait enlever les ports de la West-Flandre pour prêter la main à un débarquement du contre-amiral Van Stabel. Carnot voulait occuper l’île de Walcheren, soulever la Hollande et préparer une invasion de l’Angleterre. Afin de renforcer Pichegru, il avait ordonné à Jourdan de soustraire à l’armée de Sambre et Meuse dix-huit mille hommes qui iraient, sous le commandement du général Delmay, participer à ces opérations. Ce plan, aussi saugrenu qu’ambitieux, revenait à interrompre la convergence irrésistible de cent cinquante mille hommes vers le bastion de la Belgique et des Pays-Bas, à en laisser soixante mille se faire immanquablement écraser par Cobourg libre de concentrer sur eux toutes ses forces, et à compromettre toutes les chances du succès en vue, pour aller tenter sur les côtes une entreprise chimérique. Carnot n’avait rien dit de ce plan au Comité. Les ordres, préparés dès le 1 er messidor par le bureau militaire, étaient parvenus à l’armée de Sambre-et-Meuse juste après le départ de Saint-Just. Jourdan et Bernard
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