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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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campagnes. » Mais elle contrecarrait la loi du 22 prairial, dans laquelle Robespierre et Couthon stipulaient : « Aucun prévenu ne pourra être mis hors jugement avant que son dossier n’ait été examiné par le Comité de Salut public. » Maximilien ressentit le coup et protesta vivement aux Jacobins. On allait rendre la liberté à une foule de ci-devant nobles, déguisés en cultivateurs et en artisans.
    « On veut, dit-il, flétrir le Tribunal révolutionnaire pour que les conspirateurs respirent en paix. Les artifices les plus infâmes sont inventés afin de persécuter les patriotes énergiques et de sauver leurs mortels ennemis. »
    Pour la première fois depuis des mois, depuis l’extension du Comité, il en critiqua ouvertement les membres, et, d’une façon particulièrement aigre, Barère, qui présidait le club et qui ne s’était pas, au pavillon de l’Égalité, opposé à la proposition.
    En retournant, avec Sempronius Gracchus Vilatte, aux Tuileries où ils logeaient l’un et l’autre, Barère restait tout suffoqué de cette sortie. Il pouvait à peine parler. Vilatte l’accompagna jusqu’à son appartement. Barère se laissa tomber dans un fauteuil, et, répétant inconsciemment un mot de Danton : « Je suis saoul des hommes ! murmura-t-il. Si j’avais un pistolet… Je ne reconnais plus que Dieu et la nature. » Il était effondré. Comme Vilatte, surpris lui-même par la soudaine âpreté de l’Incorruptible, demandait à Barère quel motif avait pu pousser Maximilien à l’attaquer ainsi :
    « Robespierre est insatiable, répondit-il. Parce qu’on ne fait pas tout ce qu’il voudrait, le voilà furieux contre nous. S’il lui fallait seulement Thuriot, Guffroy, Rovère, Lecointre, Cambon, Carrier, Panis et toute la séquelle dantoniste, on arriverait à s’entendre. Qu’il demande encore les têtes de Tallien, de Bourdon de l’Oise, de Fréron, et même de Legendre : à la bonne heure. Mais Duval, mais Léonard Bourdon, Vadier, Voulland, impossible d’y consentir.
    — Comment ! fit Vilatte avec étonnement. Ce sont donc là les scélérats, les hommes perdus de la Convention ? »
    De jour en jour, Claude voyait la situation se corrompre avec une rapidité qui se multipliait d’elle-même. Comme Barère et Vilatte, lui aussi était consterné. Il ne craignait guère pour lui, sachant tout ce que la vague de terreur provoquée dans les Comités et dans la Convention devait au calcul politique. À l’exemple de Tallien et de Fouché, Billaud-Varenne jouait à son tour la comédie de la peur pour provoquer la révolte. Après le ridicule, manié par Vadier, l’effroi : deux armes efficaces. Du prestige et du pouvoir de l’Incorruptible, si pleins un mois plus tôt, subsistaient à peine les apparences. Alors qu’à l’étranger on le considérait tout à fait comme le maître de la France, l’homme avec lequel les chancelleries conseillaient de traiter, il essayait en vain de retenir une suprématie qui lui échappait. Et sans cesse grossissait dans la Convention le parti de ses ennemis. Son élection à la présidence de l’Assemblée, le 16 prairial, avait été sa montée au Capitole ; la fête de l’Être suprême, la loi du 22 et la transformation du bureau de police, les trois blocs de sa roche Tarpéienne.
    « Aux yeux d’un observateur lucide, disait Claude à son beau-frère Dubon, Robespierre ne vit plus que de ses restes. Comme les malades désespérés, et comme Danton dans les dernières décades avant le 10 germinal, il se perd en actions agréables et désastreuses pour lui. »
    Ce qui consternait Claude, c’était de constater là l’impuissance du gouvernement révolutionnaire, l’incapacité de la Révolution à sortir de l’anarchie. Il avait espéré que Robespierre l’en tirerait, mais pas du tout. Oh ! les armées remportaient des victoires. Celle de Sambre-et-Meuse avait pris Mons, celle du Nord Ostende. Le 22, toutes deux réunies, elles entraient à Bruxelles. Dans les cinq jours suivants, Malines, Louvain, Neustadt tombaient ; les Prussiens essuyaient deux nouvelles défaites à Trippstadt et à Platzberg. Enfin Landrecies retournait à la France, et les troupes de Jourdan et de Bernard occupaient Namur. Mais ces victoires ne sauvaient la république qu’à l’extérieur. Au-dedans, la carence de l’État, le désordre, la misère, la décomposition n’avaient jamais été pires. Une grande partie de la

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