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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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changé dans l’aspect du Temple. Claude et son beau-frère traversèrent la cour du palais, et, par l’allée des tilleuls, gagnèrent la grosse tour flanquée de ses tourelles, aux fenêtres toujours aveuglées par les masques de bois. Dans la salle du rez-de-chaussée, sous les voûtes ogivales où se trouvaient les lits des membres du Conseil du Temple, leur table, les armoires aux registres, les municipaux de service somnolaient, assommés de chaleur et de désœuvrement. Ils ne virent aucun inconvénient à laisser monter leur collègue et un membre du Comité de Salut public. Dubon croyait savoir que, depuis le renvoi de Simon, gardien du petit Louis-Charles, celui-ci vivait emmuré. Il n’en était rien. On le tenait enfermé dans l’ancien appartement de son père, rien de plus. Une sentinelle ouvrit le guichet, à l’étage. Le commissaire qui accompagnait les deux visiteurs les introduisit dans la salle à manger où Louis XVI avait fait ses adieux à sa famille. Tout était sombre et silencieux. Claude entra dans la chambre. Il aperçut le petit roi, couché sur son lit d’enfant, trop court pour lui maintenant, semblait-il. Louis-Charles ne dormait pas, ses yeux bleus fixés sur l’homme qui s’avançait le regardaient d’un air morne. Un peu de sueur mouillait ses tempes. Claude lui dit bonjour, lui parla doucement, lui demanda pourquoi il ne se couchait pas dans le grand lit au lieu de se recroqueviller de la sorte.
    « Parce que j’ai mal quand je m’allonge. »
    Il répondit encore à d’autres questions sur la manière dont il vivait ici. En l’écoutant et le considérant, Claude éprouvait une impression singulière. Depuis ce jour de septembre 92 où il l’avait vu pour la dernière fois, l’enfant avait prodigieusement grandi. Il devait compter aujourd’hui un peu plus de neuf ans, on lui en eût donné onze ou douze. Il était maigre et visiblement en mauvaise santé. Sans doute pouvait-on attribuer à cette surprenante croissance, à l’étiolement, certaines transformations, peut-être même celle de la chevelure devenue blond terne, mais assurément pas la décoloration des yeux passés du bleu de mer à une teinte délavée. Et plus rien dans ce visage ne rappelait ni le bambin dont Claude gardait un souvenir bien précis, ni les traits de son père ou de sa mère. La voix même avait un accent vulgaire. Se rappelant avec quel soin Louis XVI éduquait son fils, Claude lui posa quelques questions, pour juger de ses connaissances. Il se révéla quasi inculte. En un an et demi, avait-il donc tout oublié ! Et de son père, de sa mère, de sa sœur, de sa tante, il ne disait rien de senti. Son esprit s’était-il atrophié à ce point, et si vite ? car sa claustration datait seulement de quatre mois environ.
    En repassant le guichet, Claude, stupéfait, doutait encore.
    « Je désire voir la prisonnière », dit-il.
    Ils montèrent à l’étage au-dessus. Madame Royale lisait. Elle reçut son visiteur avec une dignité très froide. Elle ne le reconnut pas. Il ne se nomma point, s’enquit de sa santé, et ne lui parla qu’un instant. Cela suffisait : l’adolescente avait un peu changé. C’était une belle jeune fille de seize ans, mais elle restait absolument semblable à elle-même. Pourtant sa détention ne différait en rien des conditions dans lesquelles se trouvait son frère. Le bleu de leurs yeux, si caractéristique, le blond doré de leurs cheveux persistaient sans aucun changement chez elle, et l’air de la famille demeurait imprimé sur ses traits. Comment Louis-Charles eût-il subi une telle métamorphose, alors qu’à quelques pieds de lui, Marie-Thérèse restait si exactement soi-même, et la vivante image de leurs parents ?
    Une fois en voiture, Dubon s’enquit : « Eh bien, quelles sont tes intentions maintenant ?
    — Je ne sais pas. Avant tout il me faudrait une note sur ce qui s’est passé au Temple depuis le jour où l’on a séparé Louis-Charles de sa mère. Quels serviteurs l’ont approché, qui a été renvoyé, qui engagé ? etc. Peux-tu me rédiger cela d’ici à ce soir, et en secret ? »
    Dubon promit. « Nous verrons ensuite », dit Claude. L’affaire lui paraissait tellement grave, elle le surprenait et le déconcertait à tel point qu’il ne voulait pas mettre son beau-frère au courant avant d’avoir réfléchi. De toute évidence, à un moment quelconque, un enfant un peu plus âgé que le petit roi, et

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