Un vent d'acier
gré la politique rigoureuse des Hébertistes. Réformé, le Tribunal révolutionnaire comptait maintenant deux sections – en attendant les deux autres –, seize juges, un accusateur public : toujours le parent de Desmoulins, Fouquier-Tinville, cinq substituts et soixante jurés. Herman succédait comme président au rolandiste Montané, destitué pour avoir voulu, en modifiant les questions posées par le tribunal à Charlotte Corday, lui sauver la tête. Il était en prison. Le Comité de Sûreté générale, remanié lui aussi, purgé depuis le 13 de ses membres tièdes ou corrompus, réunissait tous les pouvoirs de police et de justice. Sous la surveillance du Comité de Salut public, il décernait les mandats, contrôlait les prisons, désignait les détenus à mettre en accusation. Ses principaux membres étaient à présent Amar, Vadier, Voulland, anciens robins, d’obédience hébertiste, peu favorables à Robespierre, et le peintre David, Panis, Le Bas, tous trois fervents amis de Maximilien.
Les décrets pris le 3, le 4 et le 5 septembre sous la pression des Hébertistes et des Enragés étaient à tour de rôle mis en application, mais c’est contre leurs rivaux, les Enragés, que les Hébertistes employaient d’abord les moyens de terreur. Les Robespierristes n’avaient plus à se soucier de Jacques Roux et autres, ni des Femmes révolutionnaires. Hébert et ses partisans, aux Cordeliers, aux Jacobins, à la Commune, à la section même des Gravilliers dominée maintenant par Léonard Bourdon, que l’on appelait le Léopard pour le distinguer de Bourdon de l’Oise, se chargeaient d’éliminer ces rivaux dangereux. Du coup, les Enragés protestaient de toute leur voix contre cette terreur qu’ils avaient réclamée les premiers. Bien que détenu à Sainte-Pélagie, Jacques Roux continuait la publication de son journal. Leclerc d’Oze, encore en liberté mais menacé, harcelé par l’intrigant Desfieux qui venait de faire constituer contre Leclerc et Roux, aux Jacobins, une commission d’enquête, déclarait dans sa feuille : « Je ne me tairai pas, je ne m’évaderai pas, et cent mille guillotines ne m’empêcheront pas de dire au peuple la vérité tout entière. »
Le 15 septembre, il écrivait : « On avait demandé qu’on mette la terreur à l’ordre du jour, on y a placé le funeste esprit de vengeance et de haine particulière. »
Et Jacques Roux : « On ne fait pas aimer un gouvernement en dominant les hommes par la terreur… C’est ressusciter le fanatisme que d’imputer à crime la naissance. Il y a plus d’innocents incarcérés que de coupables. Si l’on ne met pas un frein à ces emprisonnements qui souillent l’histoire de la Révolution et dont on ne trouve pas d’exemples dans les annales des peuples les moins civilisés, la guerre civile ne tardera pas à s’enflammer. »
Mais qui, les premiers, avaient demandé la détention des nobles, des banquiers, la peine de mort pour appuyer la taxation ?
En dépit de l’affirmation qu’il ne se tairait pas, Leclerc, après le 15, n’avait pas publié d’autre numéro. Roux, lui, poursuivait sa campagne, et, tout prisonnier qu’il était, se faisait menaçant. Dans son numéro 266, il ne craignait pas d’écrire : « Encore quelques jours, le masque sera arraché aux ennemis de la liberté. Nous verrons s’ils se perpétueront dans leurs places, s’ils ne nous ont fait une Constitution sublime que pour l’enfreindre à chaque instant, que pour violer les propriétés et les personnes ! » De leur côté, Leclerc, Claire Lacombe, Pauline Léon, Varlet surtout s’agitaient, rameutaient les adversaires du gouvernement révolutionnaire pour réclamer en force la mise en vigueur de la Constitution et l’élection de l’Assemblée législative.
Au pavillon de l’Égalité, on s’occupait de choses plus importantes que ces crieries. Les Jacobins réglèrent eux-mêmes la question. Claire Lacombe étant venue au club, Chabot accusa « Madame Lacombe, car ce n’est pas une citoyenne », de protester contre les arrestations de ses amis, personnages notoirement suspects, et de s’en prendre à Robespierre qu’elle et ses compagnes appellent Monsieur Robespierre. » Bazire, Renaudin, d’autres encore dénoncèrent les liaisons de la jeune femme avec « l’ex-noble Théophile Leclerc d’Oze », et les intrigues de sa société.
« Cette femme est fort dangereuse en ce qu’elle est fort
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