Un vent d'acier
l’arrestation d’Hébert et de Chaumette », dit Fonfrède. D’autres n’avaient pas voté l’appel au peuple, dans le procès du roi, d’autres n’avaient pas voté pour la garde départementale. Boileau se déclara franc montagnard. « Je le vois bien à présent, ajouta-t-il, il a existé une conspiration contre l’unité et l’indivisibilité de la république, mais je ne l’ai pas connue. Je souhaite le châtiment des coupables. » Gensonné, Brissot admirent avec Valazé les réunions tenues chez lui. N’était-ce point leur droit, comme celui de tous les citoyens, de se réunir pour converser, échanger leurs opinions ?
Lorsque le président Herman leur objecta leur connivence avec les députés en fuite, avec les fédéralistes, ils la nièrent. Alors Fouquier-Tinville sortit froidement de son dossier des lettres expédiées en Gironde par Vergniaud et incitant au soulèvement contre la Montagne, une lettre adressée de Bordeaux à Lacaze par un de ses cousins qui lui décrivait les préparatifs de l’insurrection, une lettre de Duperret à M me Roland. Il lui disait avoir reçu de Caen des nouvelles de Buzot et de Barbaroux qui se disposaient à marcher sur Paris avec Wimpffen. Vergniaud se leva.
« Si je vous rappelais les motifs qui m’ont engagé à écrire, peut-être vous paraîtrais-je plus à plaindre qu’à blâmer. D’après les complots du 10 mars, j’ai cru que le projet de nous assassiner était lié à celui de dissoudre la représentation nationale. Marat l’a écrit ainsi le 11 mars. Les pétitions faites depuis contre nous avec tant d’acharnement ont confirmé en moi cette opinion. Dans ces circonstances, mon âme s’est brisée de douleur et j’ai écrit à mes concitoyens que j’étais sous le couteau, j’ai réclamé contre la tyrannie de Marat. Je respecte l’opinion du peuple sur lui, mais enfin Marat était mon tyran.
— Vergniaud, protesta un juré, se plaint d’avoir été persécuté par Marat. J’observe que Marat a été assassiné, et que Vergniaud est encore de ce monde. »
L’imbécillité de la remarque fit s’esclaffer Desmoulins. L’assistance applaudit. Néanmoins Vergniaud, redevenu grand orateur, parvint, le jour suivant, à émouvoir et gagner cette même assistance en évoquant le rôle de Brissot, de toute la Gironde, dans la lutte contre la monarchie. N’était-ce point les fédérés du Midi, appelés par Barbaroux, qui avaient rendu possible le 10 août ? Peut-être avait-on commis des erreurs d’opinion, elles n’entamaient en rien le patriotisme : Rebecqui n’avait-il pas préféré la mort volontaire à l’alliance avec les royalistes ?
Les audiences succédaient aux audiences, la Montagne s’impatientait. « Braves bougres qui composez le tribunal, imprimait Hébert dans son Père Duchesne, ne vous amusez donc pas à la moutarde. Faut-il tant de cérémonies pour raccourcir des scélérats que le peuple a déjà jugés ? » Fouquier-Tinville écrivait à la Convention en déplorant la lenteur des formes, la loquacité des prévenus et des témoins. « D’ailleurs, pourquoi des témoins ? ajoutait-il. La Convention, la France entière accusent ceux dont le procès s’instruit. Chacun a dans son âme la conviction qu’ils sont coupables. »
Le 7 du second mois, les Jacobins, présidés cette décade-là par Claude, assistèrent à une attaque en règle des Hébertistes contre le prétendu Tribunal révolutionnaire. Parlant de ses lenteurs néfastes, Chaumette dit que c’était un tribunal ordinaire : « Il juge les conspirateurs comme il jugerait un voleur de portefeuille. » Hébert réclama au moins les têtes de Brissot, Gensonné, Fauchet, Duchastel, Vergniaud, Ducos. « Celui-là, dit-il, les femmes l’ont pris sous leur protection parce que, il faut en convenir, il est joli. » Puis il s’attaqua aux traîtres dont le tribunal ne semblait pas se soucier : la femme de Roland, la sœur de Capet, Bailly, Manuel, complice de la famille ci-devant royale, Barnave, Duport et tant d’autres contre-révolutionnaires notoires que l’on semblait vouloir oublier dans les prisons. Chaumette insista : « Rien ne doit préserver les coupables, si haut se soient-ils placés. La faute n’en est que plus grande, le châtiment doit intervenir ainsi qu’à Rome où, du Capitole, on passait à la roche Tarpéienne. » La Société décida qu’une députation irait le lendemain à la Convention
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