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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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dispersa rapidement tandis que les tombereaux emportaient les restes des suppliciés au cimetière de la Madeleine.

VIII
    Les autres Girondins, sortis de Caen au milieu des gardes nationales d’Ille-et-Vilaine après le désastre de Vernon, avaient réussi, en un mois d’aventures et de périls, à gagner le Finistère. Dans les premiers jours de cette odyssée, le petit Louvet avait été rejoint par sa Lodoïska, et ils s’étaient enfin mariés. Mais, ironie du sort, maintenant qu’ils pouvaient se dire mari et femme, Marguerite devait passer pour la sœur de son Jean-Baptiste – ainsi en jugeait-il du moins – afin de dérouter les espions. L’imaginatif auteur de Faublas voyait partout des séides du Comité de Sûreté générale. En vérité, le parti montagnard faisait de plus en plus d’adeptes, jusque dans la Bretagne. Les comités révolutionnaires se formaient en tous lieux et rendaient fort précaire l’existence des Brissotins fugitifs. Déclarés traîtres à la patrie après le rapport de Saint-Just, il suffisait qu’ils fussent saisis pour être condamnés, exécutés sur-le-champ, comme Gorsas. Ils se cachaient, dispersés, aux environs de Quimper. Au milieu du danger, Louvet coulait pourtant avec sa « sœur » des jours divinement incestueux et paisibles, dans une petite maison de campagne louée, au village de Penhars : des jours dont il disait qu’en dépit des menaces planantes c’étaient les plus doux de sa vie. L’industrieuse Lodoïska, fort habile artisane, lui avait aménagé dans le jardin une cache où il se terrerait en cas de visite domiciliaire.
    Ce bonheur fut court, hélas. Les nouvelles de Quimper dont le club s’apprêtait à faire rechercher activement les proscrits, les avaient contraints, vers la mi-septembre, de prendre les devants. Il ne restait qu’une ressource : se rendre par mer en Gironde où l’on trouverait asile sûr. Quelques-uns : Duchastel, Salle, Meillan, Bergoin entre autres, s’embarquèrent aussitôt dans une mauvaise barque pontée. Elle n’inspirait à Louvet aucune confiance, il préféra prudemment attendre Pétion, Guadet, Buzot et Barbaroux qui disposaient de moyens moins empiriques. Mais Barbaroux avait attrapé la petite vérole. Ce fut seulement dans les derniers jours de septembre que Pétion envoya un ami chercher Jean-Baptiste, pour le conduire au point de rassemblement d’où l’on gagnerait les abords de Brest. Jean-Baptiste seul. Juste ciel ! en dépit de toutes les promesses, il n’y avait point de place pour Lodoïska ! Pas de femmes à bord. C’était à prendre ou à laisser. Dieux ! il allait donc falloir !…
    Bref, le cœur fendu une fois de plus, Louvet, s’arrachant aux bras de sa parfaite amante, eut l’horrible courage de la laisser encore. Elle irait à Paris où elle liquiderait ce qu’ils possédaient, puis le rejoindrait à Bordeaux. Si l’existence ne s’y révélait pas possible, ils émigreraient en Amérique.
    Il était cinq heures du soir, il faisait encore grand jour. Malgré le risque d’attirer l’attention, on ne pouvait tarder davantage, car on devait couvrir neuf grandes lieues de pays, soit quinze lieues de poste, avant minuit. Le bâtiment sur lequel les proscrits allaient prendre passage voguerait en convoi sous la protection de vaisseaux de guerre. Le harcèlement perpétuel du cabotage par les corsaires anglais rendait obligatoire ce genre de navigation. À minuit, le convoi et son escorte seraient sous voiles en rade de Brest, ancres à pic, prêts à déraper sitôt le signal donné par un coup de canon. Il fallait donc se trouver dès onze heures à l’endroit de la côte où une chaloupe viendrait embarquer les fugitifs pour les mettre clandestinement à bord après la visite des bâtiments de commerce.
    Louvet et son guide sortirent à pied du village. À deux cents pas de là, des chevaux attendaient dans un petit bois de chênes dont les feuilles commençaient à peine de brunir. Le temps, très mauvais les jours précédents, se remettait au beau. L’automne était magnifique. La campagne bretonne, gris-vert et ocre, sentait la pomme et le thym. Au bout de deux lieues par des routes détournées, on distingua un groupe de cavaliers devant un calvaire. C’étaient Pétion, Buzot et Guadet, exacts au rendez-vous, avec deux armateurs de Brest qui avaient organisé toute l’affaire. Barbaroux ne paraissait pas. On avait eu déjà bien des difficultés avec lui dans le

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