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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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des cris : « Corsaires anglais ! » Les Brissotins s’élancèrent vers la lisse. Effectivement, on apercevait à droite, très loin du Corbeau, des petits grains blancs semés au ras de la mer. Le capitaine se fit apporter sa lunette, il dénombra cinq voiles en demi-cercle. Venant du grand large, elles couraient vers les passes, au plus près tribord amures, et montaient rapidement, car on allait au-devant d’elles, ajoutant la vitesse du brick à la leur. Elles étaient néanmoins beaucoup trop lointaines encore pour que l’on pût distinguer leur pavillon.
    « Il faut attendre, dit le capitaine Mac Dougan. D’ici deux ou trois quarts d’heure nous serons fixés. »
    L’équipage ne l’entendait pas de cette oreille. On serait fixé trop tard pour prendre chasse avec espoir de s’en sortir. Le second soutint les matelots, il déclara en jurant qu’on n’allait pas, « pour des passagers inconnus, courir le risque d’être conduits en Angleterre ». C’était un individu brutal, qui avait un peu abusé de l’eau-de-vie distribuée aux marins afin de les encourager à la manœuvre. Mac Dougan insista, mais dut finalement céder devant la révolte grondante. Il vira de bord et prit lui aussi l’allure du plus près. Au bruit, Guadet et Louvet étaient sortis sur le pont. Tous les cinq, ils se demandaient ce qu’ils allaient devenir.
    « Patience ! murmura le brave Écossais, je n’ai pas dit mon dernier mot. Laissons les vapeurs d’alcool se dissiper. En attendant, dînons, messieurs, voulez-vous ? »
    Ils mangèrent dans la chambre. Après quoi Mac Dougan, montant sur son gaillard, rassembla au-dessous les matelots pour les avertir qu’une fois à Brest il lui faudrait rendre compte de leur mutinerie.
    « Vous savez ce qui vous attend : le service sur les vaisseaux. Quant à toi, Anselme, dit-il au second, cela pourrait bien n’être rien de moins que la guillotine, pour avoir détourné un navire du convoi. »
    Un instant plus tard le brick revirait. Les voiles suspectes avaient disparu quand on sortit de l’Iroise. On fit cette fois un peu moins d’ouest, afin de rester plus près de la côte.
    De tout le jour, il n’y eut aucune autre alerte. Le soir, le convoi n’était pas en vue. C’est que l’on avait à présent douze heures de retard sur lui. Le vaillant Espoir courait toujours par une mer très douce, mais le soleil se voilait de vapeurs pourpres, le vent halait de plus en plus à l’ouest. Pendant la nuit, comme l’avait prédit le capitaine, il fraîchit beaucoup. On commença, dans la chambre, de sentir le petit navire se soulever. Au jour, quand Pétion et Louvet sortirent sur le pont, le ciel était gris, la mer creuse, couleur d’huître, et huit voiles, beaucoup plus proches que celles de la veille, balançaient leurs pyramides blanches, encore une fois par tribord devant. Mac Dougan les observait à la lunette.
    « Vaisseaux français », annonça-t-il avec beaucoup d’assurance.
    Louvet se demanda si le capitaine en était tellement sûr. Bientôt il n’y eut plus de doute. À mesure que l’on avançait, de nouvelles voilures sortaient de sous l’horizon : dix, quinze, vingt, d’autres encore. Maintenant, on distinguait très bien, à la corne des vaisseaux les plus proches, le pavillon blanc à franc-quartier tricolore et la flamme de guerre à la pomme du grand-mât.
    C’était évidemment toute l’escadre de Brest, conduite par la formidable Montagne de 120 canons, qui louvoyait là en file de divisions : vingt-deux vaisseaux et quinze frégates, au demeurant assez mal alignés. Le brick, gros pour son espèce mais bien petit à côté de ces mastodontes, passa sur leur front. Les puissantes coques ventrues des 80 et des 74 montaient et descendaient lourdement, découvrant dans le creux des lames leur doublage en feuilles de cuivre, rouge vif sous leurs flancs noirs avec les lignes des sabords couleur chamois. Par ce gros temps, les mantelets des batteries basses restaient fermés. Sous ceux du pont supérieur et par les sabords du pont des gaillards, les pièces allongeaient leurs gueules de bronze luisantes. Les frégates, plus légères mais hérissées elles aussi de canons, éclairaient l’escadre. Partout, du côté du large, on ne voyait que des pyramides de toile penchées sous le vent, qui se balançaient au rythme égal du tangage. Et ici, sur ce bord, la file des murailles noires et jaunes se continuait d’encablure en

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