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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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s’éteignirent, le ciel pâlit, le cirque des hauteurs se dessina peu à peu tandis que le jour descendait sur la rade. La mer devint grise, puis verte. Louvet, Guadet, les deux Brestois scrutaient l’étendue murmurante et brumeuse où l’on n’apercevait que, çà et là, des flottilles de pêche. « Il faut aller vers la pointe des Espagnols », dit l’un des armateurs, mais sa voix manquait d’assurance. Si le convoi avait franchi le goulet, il ne restait plus d’espoir. Il était à présent plus de sept heures.
    « Quelque chose à dû manquer, ajouta le Brestois. Qu’à cela ne tienne, nous vous cacherons jusqu’au prochain…
    — Voyez, voyez ! » s’écria son compagnon en se dressant tout à coup.
    Devant la pointe, un gros brick, ses perroquets sur les chouques, louvoyait sous son foc, ses huniers et sa brigantine. Ses basses voiles à demi carguées formaient de grandes bourses blanches. Soudain, comme le petit navire changeait d’amures, il largua sa misaine et courut sur la barque en traçant un demi-cercle d’écume. Ç’aurait pu être un brick de guerre tant il manœuvrait avec promptitude et souplesse, mais il n’avait pas de sabords ni de bastingages. Il portait à la corne, au-dessous du pavillon, un numéro en gros chiffres : 18. « C’est bien lui », s’exclamaient les deux négociants brestois. « Vous êtes sauvés. » Il mit en panne à moins d’une encablure. En quelques coups d’avirons, on l’eut accosté. Même Barbaroux et le corpulent Pétion escaladèrent vivement l’échelle.
    « Eh bien, il était temps », dit le capitaine : un athlétique Écossais, rouge de visage comme Danton. « Un instant de plus, je rentrais au port. » Il emmena les proscrits dans la chambre, fort basse sous le gaillard d’arrière. Ils logeraient là. Il expliqua que ses matelots n’avaient rien voulu entendre pour aller à terre avec la chaloupe, ils redoutaient non seulement les sans-culottes du littoral mais encore la marine de guerre qui les aurait fort bien ramassés pour les contraindre à servir sur les vaisseaux, où l’on n’est jamais payé et toujours mal nourri. Le convoi avait défilé à minuit juste.
    « Je me suis attardé le plus possible, dit le capitaine, et maintenant nous voilà sans escorte, car si fin voilier que soit ce bâtiment nous ne la rejoindrons pas avant ce soir. Mon équipage n’est pas chaud pour sortir de la rade, nous courons grand risque de tomber sur l’Anglais. »
    Les armateurs l’assurèrent qu’il y avait peu à craindre de ce côté ; la grande flotte de Brest croisait au large, les corsaires ne se hasarderaient point à l’affronter.
    « Je veux le croire, dit le brave Écossais. Tentons l’aventure. »
    Pétion, Buzot, Guadet, Louvet, Barbaroux étreignirent avec reconnaissance les généreux Brestois auxquels ils devaient tant. Les deux hommes redescendirent dans la barque, elle s’éloigna au mouvement lent des rames tandis que les fugitifs saluaient encore de la main leurs sauveurs. Le capitaine Mac Dougan avait déjà fait servir et virait vent devant. Le brick vint grand largue. Sa vitesse augmenta progressivement à mesure que les gabiers, calant la mâture haute, hissaient dans le soleil perroquets et cacatois. Couvert de toile, hardiment appuyé de la hanche sur la mer à peine onduleuse, il franchit le goulet avec un élan d’oiseau. Puis, laissant porter, il se mit à tailler sa route dans l’étendue verte du canal des Irois, en soulevant sous son beaupré deux volutes bouillonnantes.
    Pendant deux heures, on navigua ainsi sans la moindre traverse. Louvet et Guadet, qui n’avaient pas dormi de la nuit, prenaient un peu de repos dans la chambre. Les autres, assis sur les espars amarrés avec la chaloupe entre les deux mâts, sur la drome – le seul endroit du pont où l’on pût s’asseoir sans gêner la manœuvre –, se flattaient de voir enfin la chance leur sourire. Ce beau temps, cet excellent navire, son nom même – il s’appelait l’Espoir –, cette marche rapide : tout semblait d’heureux augure. Le capitaine, qui vint, un moment, parler avec ses illustres passagers, les désenchanta un peu : il prévoyait de la grosse mer pour le lendemain. Le vent halait à l’ouest et le temps changerait sans doute avec la nuit.
    Juste alors, des appels partirent de l’avant. Les hommes de veille aux bossoirs annonçaient des voiles à l’horizon par tribord devant. Déjà s’élevaient

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