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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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délibérer. On attendit. Des journalistes parlaient avec les juges. Le public était fiévreux, ce qui n’empêchait pas des gens de manger, un papier ou un mouchoir sur les genoux. Le temps passait lentement. De nouveau, une averse cinglait les fenêtres. Desmoulins s’entretenait de la cause avec Fouquier-Tinville bien content de la loi nouvelle. « Ça va marcher à présent, on ne gaspillera plus le temps et l’argent de la nation. » Quoiqu’il eût voté le décret, Camille trouvait cette justice bien expéditive. Puis les deux cousins s’enquirent mutuellement de leurs ménages. L’accusateur public, veuf, avait épousé en secondes noces une charmante femme ; bonne, intelligente et douce, fille d’un colon de Saint-Domingue.
    Peu avant dix heures, les jurés rentrèrent, précédés par Anto-nelle. L’altération de ses traits frappa Camille qui lui dit : « Ah ! mon ami, je te plains. Ce sont là des fonctions bien terribles ! » Dans le silence et l’attente nerveuse, les réponses tombèrent une à une :
    « Oui, les accusés sont coupables… Oui… Oui…»
    Brochet, un ancien laquais, adorateur du sans-culotte Marat et du sans-culotte Jésus, voulut, comme la loi le lui permettait, motiver son verdict. Il parla de la république universelle, des entreprises nocturnes et criminelles, des « serpents venimeux qui, après quatre années de constance et de zèle pour acquérir le plus précieux des biens : la liberté et l’égalité, ont voulu, par des manœuvres ténébreuses, étouffer cette même liberté. Le peuple, conclut-il, espère voir les têtes d’autres mandataires coupables tomber bientôt sous le glaive de la loi ».
    Ordre donné par le président, les huissiers ouvrirent la porte de la petite salle dans laquelle étaient parqués les vingt et un prévenus. Ils entrèrent avec leurs gendarmes, reprirent place parmi les étages de bancs, face aux jurés, attendant la suite des interrogatoires. Mais Herman, debout, un papier à la main, le lut d’une voix quelque peu forcée. C’était la déclaration du jury. Aussitôt Fouquier-Tinville se leva, rejetant d’un tour d’épaule son manteau en arrière et arquant ses sourcils charbonneux. Il requit la peine de mort pour tous les accusés.
    Stupéfaits d’abord, ils réagirent en tumulte, protestant contre cet incroyable déni de justice, s’agitant avec des gestes désordonnés. Gensonné, blême, réclamait en vain la parole, sa voix se perdait dans les clameurs des autres. Lesterpt-Beauvais criait au public : « Peuple, on te trompe ! » Sillery, jetant ses cannes, riait à la mort. Fonfrède, Ducos, qui étaient beaux-frères, s’étreignaient. Brissot, les mains tombantes, baissait la tête. Fauchet restait indifférent. Vergniaud, avec son air dédaigneux et chagrin, se tourna vers Valazé qui chancelait en s’appuyant sur lui.
    « Qu’as-tu donc ? Tu faiblis ?
    — Non, je meurs. »
    Il venait de se plonger en plein cœur la lame d’un stylet caché jusque-là parmi ses papiers.
    Desmoulins s’était enfui. Le public demeurait muet. Saisi, il ne répondait pas aux interpellations. Sa sympathie pour certains des accusés s’effaçait maintenant qu’ils avaient été reconnus coupables. Les sans-culottes de la Convention, du tribunal, ne pouvaient pas se tromper. Mais on ne pouvait pas non plus se défendre d’un sentiment de confuse terreur devant cette justice, soudain si brutale, qui coupait la parole afin de couper plus vite la tête. Sur l’ordre d’Herman : « Emmenez-les ! » les soldats nationaux tiraient les condamnés à bas des gradins, les poussaient en troupeau vers la porte. Ils se débattaient, jetaient au peuple en passant au long du bat-flanc les notes griffonnées pour leur défense. Ils en appelaient encore à ce peuple : « À nous, frères, amis ! C’est pour vous que nous avons combattu. Vive la République !
    — Vive la République ! » répondit la foule prenant enfin parti contre ces traîtres reconnus. Elle les hua tandis que les gendarmes les entraînaient. Les portes se refermèrent sur leur groupe tumultueux. Ils chantaient à présent.
    Contre nous de la tyrannie
    Le couteau sanglant est levé…
    Leurs voix décrurent, s’éloignèrent, se perdirent dans le labyrinthe des couloirs.
    Le public s’était tu, écoutant. Herman, resté debout à sa table, lut l’arrêt de mort qu’il n’avait pas eu le temps de prononcer. Il était près de minuit,

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