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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Bordeaux où ils comptaient le retrouver sous deux jours, et lui témoigner par un beau cadeau leur reconnaissance, ils se dirigeaient, à travers les vignes du Médoc, vers une maison appartenant à un parent de Guadet. Les vendanges étaient faites, on voyait dans les terres des paysans occupés aux labours. Les six hommes ne se cachaient pas, ils n’en avaient plus besoin. Louvet, Pétion marchaient avec entrain sous le soleil d’octobre un peu voilé. Guadet respirait l’air de chez lui. Barbaroux lui-même semblait retrouver du goût à vivre, et Buzot toute sa détermination. Il avait hâte d’agir, de délivrer M me  Roland. On parvint à la maison, au bout d’une allée de jeunes platanes qui commençaient de perdre leurs feuilles. Mais quoi ! les volets étaient clos, la porte fermée. Guadet alla chercher les clefs chez l’aubergiste du village à qui on les confiait d’ordinaire, et revint avec de singulières nouvelles : à en croire les gens de l’auberge, Bordeaux appartenait à la Montagne, les « maratistes » détenaient toutes les autorités, la municipalité et le Département brissotins étaient en fuite, une espèce de terreur régnait dans la ville. « Cela me paraît impossible, déclara péremptoirement Guadet. Il faut en avoir le cœur net. Je vais y aller voir, restez ici, installez-vous et m’attendez. » Pétion l’accompagna.
    Ils furent de retour le lendemain, après avoir bien failli se faire arrêter. L’incroyable était vrai. Les bataillons des sections sans-culottes, ayant par ruse mis la main sur le château Trompette avec tous les approvisionnements de guerre et de bouche, ainsi que sur le fort de Blaye, avaient affamé la ville, désarmé les bataillons brissotins, ramené les représentants montagnards. En ce moment la canaille pourchassait, emprisonnait tous les vrais patriote ». La terreur régnait si bien que les deux hommes n’avaient pu trouver asile pour une nouvelle nuit. Il ne fallait plus songer à Bordeaux.
    Guadet décida de repartir. À Saint-Émilion, son pays natal, où il comptait beaucoup de parents et d’amis, on aurait tous les refuges désirables. Mais trois jours plus tard il en était encore, lui-même, à errer de gîte en gîte ; l’idée de cacher des proscrits terrifiait tout le monde. Amer et humilié, il retourna auprès de ses compagnons, juste pour apprendre que l’aubergiste les avait dénoncés. Un bataillon « maratiste » s’avançait, amenant même du canon. Il fallut détaler, traverser à grand risque la Garonne où les cinq n’échappèrent que par miracle à une traîtrise du passeur. Le calvaire de la fuite en Bretagne recommençait. Un curé constitutionnel les garda pendant deux jours, puis ses ouailles s’ameutèrent, ils durent de nouveau s’éclipser précipitamment, poursuivis cette fois par des cavaliers. Ils passèrent encore la Dordogne et résolurent alors de se séparer. En groupe, ils éveillaient automatiquement les soupçons. Pétion, convaincu que le triomphe de la Montagne durerait peu, et ne désespérant pas de soulever les populations contre elle, resta sur place avec Buzot et Barbaroux. Guadet tira vers les Landes. Louvet résolut de regagner Paris. S’il devait périr, ce serait du moins en s’efforçant de rejoindre sa Lodoïska. Il partit vers Périgueux et Limoges.

IX
    À la suite des Brissotins, Philippe Égalité, après un tour sur la place de la Révolution, était allé rejoindre au cimetière de la Madeleine le cousin et la cousine à la perte desquels il avait si fortement contribué. On en terminait enfin avec l’Orléanisme. Danton devrait maintenant dire adieu à ses arrière-pensées. Il allait lui falloir entrer carrément dans le lit de la république ou se déclarer contre elle. D’autant qu’il ne pourrait pas davantage reprendre ses sournoises manœuvres avec les Enragés, réduits au silence. Jacques Roux transféré à Bicêtre, son journal cessait de paraître. Quant à la Société des Femmes révolutionnaires, elle venait d’être purement et simplement dissoute. Mesure provoquée par un scandale qui n’avait pas laissé de réjouir les spectateurs de cette apothéose de la fessée si pratiquée depuis 89 mais jamais sur une pareille échelle. En effet, Claire Lacombe et ses disciples, journellement moquées par leurs voisines les dames de la Halle fort peu révolutionnaires, avaient résolu d’aller en troupe leur donner une correction. Sorties des

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