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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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mettre en panne. Sans doute pensait-on, sur le vaisseau, que ces espèces de gabiers de poulaine n’étaient même pas capables d’établir correctement leur voilure, car, parvenu à leur hauteur, il les rangea sans rien dire. Il reprit la tête, la frégate talonnant les traînards. On entra derrière lui dans l’estuaire avec la marée montante. Un peu avant la nuit, jetant l’ancre entre de longues îles de sable et la rive toute brouillée de roseaux, il laissa les navires défiler les uns après les autres, devant lui. Du gaillard, un porte-voix les interpellait tour à tour. « Avez-vous des passagers ? » Rien n’obligeait à répondre oui, mais demain il faudrait subir la visite. Mac Dougan dit aux Brissotins qu’il les emmènerait avant. Ils devaient patienter jusqu’au matin, car il eût été très dangereux de se risquer sur le fleuve dans les ténèbres.
    Comme le flot se renversait, l’ Espoir à son tour s’ancra.
    Dès la fine pointe du jour, tandis que les oiseaux de marécage s’agitaient avec de lugubres criailleries, le capitaine fit mettre à l’eau son canot : la plus petite embarcation du bord. Les six hommes et quatre matelots s’y entassèrent. Dans l’aube froide et triste, rien ne bougeait sur le Vengeur. Des hommes de quart y veillaient pourtant. Ils ne pouvaient point ne pas repérer les fugitifs. Aussi Mac Dougan, au lieu de filer directement, commanda-t-il de remonter derrière les navires voisins, entre la rive et eux, pour contourner le vaisseau par la poupe. Ainsi, lorsqu’un des veilleurs aperçut le canot, celui-ci semblait arriver de l’amont. Pas une seconde l’homme ne pensa que cette minuscule embarcation surchargée s’apprêtait à parcourir quatre lieues de fleuve avec les forts courants qu’allait, dans peu de minutes, provoquer la marée montante. Ces gens venaient de la terre vers le convoi. C’était interdit. Le marin leur cria rudement de passer au large, comme l’escomptait l’astucieux Écossais. Il ne se le fit pas dire deux fois.
    Il ne restait plus qu’à braver les périls du fleuve ; non pas les moins redoutables. Les violents remous produits par la mer repoussant les eaux douces et les contraignant de remonter leur cours atteignirent bientôt une extrême violence. Toute la force des quatre matelots tirant à pleins muscles sur les avirons suffisait bien juste à maintenir en ligne le frêle esquif tantôt aspiré tantôt rejeté par les tourbillons. La vitesse était son unique sauvegarde. Sous le poids de ses passagers, il ne conservait pas plus d’une main de franc-bord. L’eau jaunâtre, chargée de sable, roulait à hauteur des genoux, et la moindre oscillation la faisait embarquer. Elle remplissait déjà le fond, clapotait sous la claire-voie. Les pieds mouillés, le corpulent Pétion, le gros Barbaroux demeuraient soigneusement immobiles au centre du bateau. Avec des gestes précautionneux, le petit et maigre Louvet, une écope à la main, rejetait l’eau quand elle montait au-delà du caillebotis. Le capitaine tenait fortement la barre. Buzot et Guadet, serrés à l’avant, se faisaient aussi minces que possible.
    Enfin les remous s’apaisèrent, remplacés par le courant de la mer victorieuse. Il s’établit avec puissance, emportant le canot comme fétu. Plus besoin de ramer à présent, sinon pour aider le gouvernail à maintenir le petit bateau sur sa ligne et à le détourner des bancs de sable sur lesquels se ruaient les vagues. Il passa dans leur creux devant le fort de Blaye qui ne remarqua pas ce point noir emporté, ou s’en soucia peu. Cinq quarts d’heure plus tard, après avoir longé sur des eaux plus calmes les trois dernières îles de la Gironde, on doublait le bec d’Ambès, on passait dans la rivière Garonne, sur les bords de laquelle les Brissotins comptaient prendre terre.
    Pendant ce temps, la République, entrée à son tour dans l’estuaire avec les navires détachés du convoi, rejoignait celui-ci devant Blaye. Sous la conduite des vaisseaux de guerre, toute la flottille avait appareillé peu après le départ du canot, pour venir ici au flot montant se soumettre à un minutieux examen. Fernand eut une surprise en découvrant l’ Espoir, affourché sur ses ancres comme les autres. Décidément, ce brick était étonnant en tout. Le jeune officier obtint sans peine du commandant Marvejol la permission d’aller visiter le fameux numéro 18. Pour l’instant, on n’avait rien à

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