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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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ecclésiastiques, établi l’égalité des sépultures, remplacé dans les enterrements le drap funèbre par le drapeau de la section. Au lieu d’une croix, on portait devant le cercueil un écriteau avec cette inscription : « L’homme juste ne meurt jamais. » Tous les jours, des curés constitutionnels se présentaient à la barre, déclarant renoncer au sacerdoce. C’était un entraînement comme on en avait beaucoup vu. Sur l’invitation d’Hébert et de Chaumette, Gobel, l’archevêque de Paris, entouré de ses vicaires, vint abdiquer non seulement ses fonctions épiscopales mais sa qualité de ministre du culte catholique. Il déposa sur le bureau son anneau et sa croix, et, dans une tempête d’applaudissements, coiffa le bonnet rouge. Gay-Vernon, le frère de Robert Lindet : Thomas Lindet, évêque d’Évreux, l’imitèrent, suivis par le ministre protestant Julien de Toulouse. Sieyès, déclarant : « Depuis longtemps je ne reconnais plus d’autre culte que celui de la liberté », renonça aux dix mille livres viagères qui lui avaient été attribuées par la Constituante comme indemnité pour ses anciens bénéfices. En revanche, Grégoire, malgré son jacobinisme, se refusa vigoureusement à suivre l’exemple de Gobel. « S’agit-il d’attachement à la cause de la liberté ? dit-il. Mes preuves sont faites. » Parbleu ! Claude n’oubliait pas les efforts du bon Grégoire, aux premiers temps des États généraux, pour convaincre son ordre de se réunir au tiers. Il avait amené les premiers curés. Et depuis, que de services rendus à la Révolution !
    « S’agit-il du revenu attaché à mes fonctions d’évêque ? poursuivait-il tout animé, l’œil bleu fulgurant. Je l’abandonne sans regret. S’agit-il de religion ? Cet article n’est point de votre domaine. J’ai tâché de faire du bien dans mon diocèse, je reste évêque pour en faire encore.
    — Bon, bon, lui dit affectueusement Claude, on ne te forcera pas. Calme-toi.
    — Au demeurant, j’invoque la liberté des cultes. On ne l’a point abolie, que je sache. »
    Non. Elle existait toujours. Il n’en faudrait pas moins faire disparaître non point l’esprit chrétien, fondement même de la fraternité, de la dignité humaine, de la justice, mais la crédulité et son exploitation, responsables de trop nombreux maux. Avec les Hébertistes, beaucoup de conventionnels, comme Claude, ne voulaient plus entendre parler de divinité, plus du charlatanisme des prêtres, de leur sournoise emprise sur les âmes. Fouché, dans le ressort de sa mission, avait interdit les pratiques religieuses, réquisitionné les vases et les ornements des églises pour les verser au trésor national. Il laïcisait les cimetières, faisait inscrire sur leurs portes : « La mort est un sommeil éternel. » Partout les comités révolutionnaires enlevaient les dernières cloches et les envoyaient aux fonderies se transformer en canons. Dans les quelques églises affectées jusque-là au culte constitutionnel, on démolissait les autels, on célébrait à présent des fêtes civiques.
    En enregistrant la renonciation de Gobel, le président de la Convention, Laloy, pauvre esprit, avait cru concilier le déisme de Robespierre avec l’athéisme des Hébertistes et se faire bien voir des deux partis par la déclaration suivante : « L’Être suprême ne voulant pas d’autre culte que celui de la Raison, cette religion devient la religion nationale. » C’était tellement bête que Claude haussa les épaules sans rien dire. Quels seraient les offices, quelles seraient les célébrations de la Raison ? Il ne s’agissait pas seulement de supprimer une religion, il s’agissait de détruire l’esprit religieux, le besoin stupide d’adoration, la peur de la solitude humaine. Il s’agissait d’amener l’homme à ne chercher ni maître ni secours hors de lui-même, de sa propre consciente. Allez donc expliquer cette nécessité à des imbéciles du calibre de ce Laloy ! Il aurait fallu entreprendre une démonstration infinie, et l’on n’avait pas le temps ; les besognes de toute urgence abondaient, au pavillon de l’Égalité.
    Cependant Chaumette, sautant sur la déclaration de Laloy, faisait décréter par la Commune qu’une grande fête civique aurait lieu à Notre-Dame afin d’inaugurer le culte nouveau. Claude n’y serait assurément point allé, mais, après cette fête, Chaumette amena en cortège la Raison

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