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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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nationale à Paris. Un jour, si ses filles lui donnaient des petits-enfants, ceux-ci seraient peut-être bien intéressés de lire tout ça. Mais était-ce des mots historiques, ces cris que poussait la malheureuse Du Barry, et ses implorations : « Pitié ! Un moment encore, rien qu’un moment, monsieur le bourreau ! » Il fallut la porter jusqu’à la planche. C’était affreux.
    Après ça, heureusement, huit religieuses se laissèrent décapiter de la manière la plus décente. Néanmoins, l’assistance avait été secouée. On se pressait devant la guinguette du Pont-Tournant, décorée maintenant de l’enseigne À la Guillotine. Nicolas dut jouer des coudes pour s’aller réconforter d’une goutte d’eau-de-vie. Près de lui, un citoyen en houppelande disait fort haut : « Si tous les gens qu’on guillotine menaient tel train, c’en serait vite fini des exécutions. Paris ne supporterait pas cette horreur. Mais ils se laissent couper le cou comme des moutons. Ils veulent montrer leur courage, eh bien tant pis pour eux, c’est de l’aristocratisme, ça ! » Nicolas rentra chez lui en se frottant machinalement la nuque. Pas possible, Louison ne pouvait faire mal, elle opérait trop vite. Oui, sans doute, Capet avait poussé un cri. Parce que son cou, très gros, s’était mal engagé dans la lunette, le croissant rabattu par Sanson avait cogné avec rudesse l’occiput. Depuis ce jour-là, jamais une plainte.
    Tout revint à l’habituel avec le naïf évêque Lamourette qui payait ainsi la folle embrassade de la Législative. En sortant du tribunal, il avait dit : « Qu’est-ce que la guillotine ? Une chiquenaude sur le cou. » Il se prêta galamment au baiser de Loui-sette. Suivirent les généraux Chancel, Biron, le vieux soudard Lückner, l’incapable Harville, que Bernard, dès Jemmapes, avait bien jugé. Sur la plate-forme, Biron cria : « Vive le Roi ! » À la bonne heure ! avec des gens comme ça, aucun doute ne subsistait.
    Pas plus que Legendre, Claude n’approuvait ces exécutions. Celle de Barnave en particulier l’atteignait vivement. Il s’était efforcé de faire agir, au Comité de Sûreté générale, David, Panis (Le Bas était toujours en mission à Strasbourg avec Saint-Just), pour empêcher Amar, Voulland, Vadier de transférer Barnave à Paris. Vainement. Lorsque, ensuite, à la réunion quotidienne des deux comités, les Hébertistes proposèrent le renvoi de l’ancien triumvir (Duport avait réussi à s’évader de sa prison provinciale) devant le tribunal, Claude protesta vigoureusement. Et comme Vadier, l’ancien magistrat ariégeois, long, maigre, courbé sous ses cheveux blancs, énumérait les « crimes » des triumvirs, il s’emporta jusqu’à taper sur la vaste table en s’écriant :
    « Sacré tonnerre ! oubliez-vous qu’aucun de nous ne serait ici, à cette heure, si Barnave, Duport et les Lameth, déjouant les intrigues de l’hypocrite Mirabeau, bravant la faction d’Orléans et son concile de Montrouge, n’avaient appelé la garde nationale à Versailles, mené le roi à Paris, rendu possibles toutes les révolutions qui vous ont enfin donné la république ! Barnave a commis des fautes, j’en conviens. Qui de nous est infaillible ? »
    Ce fut, ce soir-là, au tour de Robespierre d’emmener Claude à côté.
    « Je ne peux pas te soutenir, lui dit-il. Tu sais fort bien que Barnave, Duport, les Lameth sont responsables de l’affaire du Champ de la Fédération, qu’ils désiraient une émeute pour la réprimer, qu’ils voulaient épouvanter le peuple. Ils ont inauguré la terreur, elle se retourne aujourd’hui contre eux. Tu m’as reproché mon indulgence pour les Brissotins.
    — Il s’agissait simplement de les tenir sous clef. Maintenant qu’on en est à guillotiner !
    — Cela ne me plaît point, mais nous ne pouvons retourner en arrière. Si nous nous laissons dépasser par Hébert et les Cordeliers exagérés, la nation est perdue. »
    Face aux Hébertistes des deux Comités : Collot d’Herbois et Billaud-Varenne d’une part, Vadier, Voulland, Jagot de l’autre, les Robespierristes à présent faisaient figure de modérés. À la Commune, aux Cordeliers malgré l’opposition de Legendre et de Dubon, voire aux Jacobins mêmes, Hébert, Chaumette, Momoro ne leur ménageaient qu’à peine les épithètes de modérantistes et de contre-révolutionnaires. Le moindre faux pas, et ces nouveaux Enragés

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