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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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assignats ! – Perrin avait été condamné à vingt ans de fers pour spéculation sur les fournitures militaires ; le gros Robert, dont la remuante petite femme n’en menait pas large, venait d’éviter de justesse le bagne en restituant à la nation d’énormes quantités de rhum qu’il avait accaparées. Chabot, imitant Fabre, se défendait en accusant à son tour. Oui, avoua-t-il au Comité de Sûreté générale, il avait reçu cent mille livres de Delaunay – encore un dantoniste – mais c’était pour acheter Fabre d’Églantine, afin d’obtenir que la Compagnie des Indes fût liquidée par ses propres administrateurs, non par les agents de l’État. Oui, il connaissait le complot dénoncé par Fabre : une conjuration tendant à noyer la république dans les plus folles et les plus sanglantes outrances, mais il ne s’y était mêlé que pour surprendre les complices de Proli : Hébert et sa bande, tous soudoyés par le baron de Batz. Bazire pouvait en témoigner.
    Encore une fois, pas de preuves. Bazire, qui avait été exclu du Comité de Sûreté générale, le 13 août, avec les Dantonistes véreux, comme compromis dans les agiotages de Fabre et Chabot, semblait à peine moins suspect qu’eux. On discuta longtemps dans la salle du pavillon de l’Égalité, autour de la table verte à frange d’or, sous le lustre, rideaux tirés. Parmi les membres du Comité de Sûreté générale, Jagot, Voulland, Vadier tentaient mollement de disculper les Hébertistes. Panis chargeait à fond contre eux pour défendre Danton que Bazire avait mis en cause. L’Incorruptible, derrière ses lunettes bleutées, les observait les uns et les autres avec, au coin des lèvres, un pli de mépris, et son regard insaisissable leur donnait froid.
    Claude restait étonné par ces découvertes. Il s’était donc trompé du tout au tout en attribuant les excès des Hébertistes à une aveugle impatience, et Maximilien, avec son habitude de soupçonner tout le monde, n’avait pas tort. Hébert royaliste, ou plutôt agent royaliste par ambition personnelle : cela ne surprenait point. Mais Chaumette ! Au fait, ce n’était peut-être pas sans raison qu’il protégeait Cléry, et Hue également : les deux derniers serviteurs de la famille royale, et l’abbé Delille ancien mentor de Marie-Antoinette ; peut-être pas sans dessein qu’il s’intéressait beaucoup – les rapports d’Héron le montraient – aux enfants royaux sur lesquels la Commune avait mis entièrement la main. Sous prétexte de prévenir un enlèvement, Hébert les faisait garder avec un soin jaloux par des créatures à lui. Tout cela s’expliquait, et même son insistance à réclamer la mort de leur tante : cette Madame Élisabeth que le vain Pétion prétendait avoir troublée pendant le retour de Varennes, et que le Père Duchesne appelait « la grosse Babet ». Elle restait seule à pouvoir combattre dans l’esprit des deux enfants. Qui sait si Hébert ne méditait pas de répudier sa religieuse, d’épouser la fille de Louis XVI et de s’établir en Protecteur, avec Louis XVII, après avoir écœuré la France de la république ?
    Tout semblait possible, et tout le monde capable de tout, à présent, au milieu de tant de corruptions, de folies, d’avidités déchaînées. Dubon disait qu’à la Commune le tripotage régnait en souverain, dans les marchés de fournitures, les travaux. On trafiquait des cartes de civisme, des certificats, des passeports. Et voilà que les révolutionnaires les plus ardents !… Décidément, Maximilien avait bien raison d’ériger la défiance en système.
    Dans la nuit froide, Claude traversa le Carrousel où se dressait, devant l’arbre de la Fraternité défeuillant à la brise, et la tombe de Lazouski, la petite pyramide contenant les souvenirs de Marat, son écritoire, son dernier article, les papiers arrosés de son sang, le fatal couteau. Ces deux-là, le canonnier des Tuileries et l’Ami du peuple, la mort leur épargnait d’amères déceptions.
    On avait décidé d’arrêter Chabot, Bazire, Julien de Toulouse, Delaunay, Proli, Desfieux, Pereyra, et quelques comparses. On ne pouvait pas toucher à Hébert, ni même à Fabre, sans preuves assez solides pour les confondre. Encore moins à Danton. Du reste, il ne se trouvait compromis, malgré les imputations de Bazire, que par les fautes de ses amis. Pourtant Robespierre, de sa fine écriture semée comme des grains noirs, qui

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