Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique
mauvaises habitudes en Amérique. Pham Xuân Ân décide de donner à sa famille le choix entre le retour et l’exil. Sa femme et ses enfants regagneront le Viêt Nam l’année suivante. Entre-temps, Pham Xuân Ân et sa mère malade ont quitté le Continental puis déménagé pour s’installer dans la maison mise à sa disposition par les autorités, où sa mère rendra l’âme et où il loge depuis.
L’« affaire » du D r Trân Kim Tuyên, que Pham Xuân Ân est parvenu de justesse à mettre dans le dernier hélicoptère de la CIA , est apparemment enterrée. Pham Xuân Ân affirme, à ce propos, qu’on ne lui a rien reproché. Il est même catégorique. Il n’a pas demandé à ses supérieurs l’autorisation d’aider le D r Trân Kim Tuyên à partir. « J’ai pensé que l’affaire était peu importante. Après la Libération, nos services de sécurité ont cherché à arrêter Trân kim Tuyên. Des gens leur ont dit : “Pham Xuân Ân l’a aidé à partir.” Les Vietnamiens sont bénévoles et humanitaires. Quand nous sommes envahis, nous sommes prêts à combattre l’ennemi jusqu’à notre dernier souffle. Mais, après la guerre, nous ne cherchons jamais à nous venger », a-t-il dit, en ajoutant : « Personne n’a jamais abordé le sujet. » Pham Xuân Ân se sent « la conscience tranquille ». Il ne pouvait pas abandonner, dit-il, un homme qui l’avait aidé et protégé, même s’il s’agissait de l’ancien chef des services secrets de Sài Gòn. Dont acte.
En attendant que sa famille revienne, il se sent seul. « En compagnie d’un cameraman, je me suis rendu à Hoc Mon, là où les généraux (du régime de Sài Gòn) étaient internés. Par la suite, ils ont été envoyés au Nord. La plupart de mes amis étaient partis. D’autres étaient en rééducation », raconte-t-il. Il retrouve, en revanche, ses compagnons des services de renseignements communistes avec lesquels il avait travaillé pendant plus de quinze ans sans pouvoir, la plupart du temps, communiquer directement avec eux.
« Vous attendiez-vous à des lendemains de victoire si difficiles ?
— J’étais préparé, répond-il, car j’étais au courant de ce qu’avaient fait les communistes de 1945 à 1975. Je savais que ce serait dur mais je pensais qu’il serait possible de vivre sous leur régime. Cependant, j’avais beau savoir ce qui s’était passé lors de la réforme agraire de 1955-1956 dans le Nord, je ne m’attendais pas à tant d’erreurs sur le plan économique. »
En 1978, il est convoqué à Hà Nôi pour y suivre des cours de rééducation à l’Institut politique de l’Armée populaire. « J’y apprends le vocabulaire communiste en langue vietnamienne », me dit-il avec humour. Pham Xuân Ân a alors la cinquantaine et c’est la première fois qu’il suit les cours du PC . « Un de mes amis m’a dit de faire attention. Pour des raisons de pudeur, je ne pouvais m’habituer à laver mon linge en compagnie de mes camarades. Ce comportement avait été qualifié de “petit-bourgeois” », se rappelle-t-il en souriant. Le « My Con », ou « fils d’Américain », est censé se débarrasser des influences néfastes auxquelles il a été soumis au contact des étrangers pendant de si nombreuses années. Telle est encore l’ambiance à l’époque…
Auparavant, il ne s’était rendu à Hà Nôi qu’une seule fois, brièvement, pour assister au IV e Congrès du mouvement communiste, en 1976, au cours duquel le Parti des travailleurs est devenu officiellement le Parti communiste. Cette fois, il y séjourne neuf mois. Quand l’armée vietnamienne envahit le Cambodge en décembre 1978, on lui propose de regagner le Sud. Il répond, prudemment, qu’il préfère rester à Hà Nôi pour y terminer sa rééducation. Une rééducation « gentille », dit-il.
Le premier véritable tournant, après 1975, ne se produit qu’une dizaine d’années plus tard. En raison des guerres au Cambodge et sur la frontière chinoise, de la collectivisation, l’économie est au bord de la ruine. La production est en chute libre et l’inflation atteint 480 %. Le seul point d’appui est un empire soviétique à bout de souffle. L’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir à Moskva en 1985, qui veut réformer l’empire pour le sauver, intervient sur ces entrefaites.
À l’été 1986, donc à la veille du VI e Congrès du PC vietnamien, une délégation
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