Une histoire du Canada
libre-échange constituera le thème principal.
Ces élections auront lieu le 21 novembre 1988. de prime abord, il semble que les libéraux font tout ce qu’ils peuvent pour s’infliger la défaite à eux-mêmes. Certains libéraux de tout premier plan laissent même entendre que turner devrait démissionner comme chef en pleine campagne électorale pour stimuler la confiance au sein du parti. il s’agit certes là de la suggestion la plus saugrenue jamais faite par des gens sérieux en apparence dans toute l’histoire politique du Canada. Le gouvernement libéral en place à Québec est favorable au libre-échange, tout comme les séparatistes du Québec, car 440
UnE HIsTOIRE dU Canada
il diminue le pouvoir exercé par Ottawa sur le commerce et offre un marché autonome pour les exportations québécoises. Par conséquent, le soutien des libéraux fédéraux envers Québec ne peut que diminuer8. Le chef du nPd proclame que l’heure des libéraux a sonné, que son parti formera l’opposition et, étant donné le régime d’alternance des partis politiques au Canada, finira par s’emparer du pouvoir. La suite des choses dépend en grande partie de la performance de turner pendant la campagne, surtout pendant le débat télévisé des chefs.
au terme d’un spectaculaire revirement de situation, turner écrase Mulroney pendant le débat. Le Canada, affirme-t-il, représente le triomphe de la politique sur la géographie, l’imposition consciente d’un axe est-ouest sur toute la largeur du continent pour compenser les attraits naturels d’échanges commerciaux nord-sud. Mulroney propose d’y mettre un terme et de le remplacer par un régime de dépendance politique et économique à l’égard des états-Unis. Les bredouillements de protestation du premier ministre ne tiennent pas devant la force rhétorique de l’argumentation de turner.
Les libéraux complètent leur victoire au débat par de la publicité intelligente à la télévision. L’annonce commerciale la plus efficace illustre la négociation de l’accord de libre-échange par une conversation entre deux négociateurs. il suffit de changer une ligne, fait remarquer le négociateur
« américain ». Laquelle, demande le négociateur « canadien » pris par surprise.
Celle-ci , réplique l’américain, que l’on voit en train d’effacer la frontière.
Les sondeurs notent un revirement immédiat dans l’opinion publique. La vague libérale déferle tandis que les conservateurs de Mulroney perdent pied. « Les allégations et les craintes disséminées à propos du libre-échange ne prennent pas une heure à devenir plus outrageantes », écrira plus tard un des partisans de Mulroney9. Cela suscite manifestement les craintes des Canadiens. Le libre-échange risque désormais le rejet.
La riposte des conservateurs témoigne de la puissance d’une politique efficace. Mulroney remplit les coffres du parti avec l’aide d’une communauté d’affaires inquiète, dont la plupart des membres soutient aveuglément le libre-échange. Les nouvelles annonces des conservateurs représentent des « Canadiens typiques » (des travailleurs du parti, en réalité) dénonçant les mensonges de turner. d’une centaine de manières subtiles (et moins subtiles), on informe les Canadiens que leur prospérité et même leurs emplois sont dans la balance : pas de libre-échange, pas d’emplois, parce que l’entreprise X ou l’usine Y ne pourra se permettre de demeurer au Canada. Même si certains secteurs industriels ou certaines régions subissent les conséquences néfastes du libre-échange, les conservateurs promettent de cerner le problème et de s’en occuper, après les élections, 16•marasmeeTexplosiondanslesannées1980
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bien entendu. Ce sont désormais les conservateurs qui ont le vent dans les voiles et cette tendance se maintient jusqu’au jour des élections.
Le 21 novembre, les conservateurs remportent la majorité des sièges (169 contre 83 pour les libéraux et 43 pour le nPd) à la Chambre des communes, de même que le mandat de faire adopter le libre-échange dès que l’on pourra convoquer le Parlement10. Le Parlement se fait un devoir d’adopter la loi nécessaire et, le 1er janvier 1989, Mulroney et reagan signent les documents consacrant l’entrée en vigueur de l’aLe.
Mulroney a désormais sa loi, en plus d’une deuxième majorité, bien qu’il ne recueille que 43 pour cent du vote populaire. il demeurera
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