Une histoire du Canada
permettre aux compagnies de bois d’œuvre de récolter du bois ; certaines de ces modalités, dans les provinces maritimes, par exemple, sont semblables à celles qu’adoptent généralement les américains. d’autres provinces, en particulier le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique, ont recours à ce qu’on appelle des « droits de coupe », des droits imposés aux marchands de bois sur le bois coupé sur les terres de la Couronne.
Le problème est que le bois résineux canadien est très concurrentiel sur le marché américain, si bien que les exportations canadiennes soulèvent l’ire des compagnies de bois d’œuvre américaines. en 1982, avant l’aLe, les sociétés américaines ont introduit, auprès de leur gouvernement, des requêtes de compensation pour le bois d’œuvre canadien « subventionné ».
Leur argumentation est rejetée mais le dossier est loin d’être clos. Blessés, les américains, ayant constitué un groupe de pression spécial plus efficace, reviennent à la charge en 1986, à un très mauvais moment pour les négociations de l’aLe qui, justement, progressent. Cette fois, ils obtiennent de stricts droits de compensation sur les exportations canadiennes de bois d’œuvre (pas sur celles en provenance des Maritimes, cependant) et il est vrai que, si ça n’avait pas été le cas, le futur aLe aurait eu bien des difficultés à franchir l’étape du Congrès. Pour Brian Mulroney, cela pose problème étant donné que l’affaire du bois d’œuvre met très en évidence les questions que l’accord de libre-échange ne pourra régler. soumis à de la pression, le Canada consent à une taxe sur les exportations en 1986, qu’il laisse expirer en 1991 avant d’en renégocier une nouvelle en 1996. Quand elle viendra à expiration en 2001, la guerre reprendra, sans la moindre perspective de résolution tant qu’une des parties ne rendra pas les armes. Même Jimmy Carter, l’ancien président américain, dont les opinions sont, dans la plupart des cas, parfaitement compatibles avec celles de la majorité des Canadiens, mais qui est aussi propriétaire d’une plantation de bois d’œuvre résineux, soutiendra que les pratiques canadiennes de droits de coupe constituent une subvention déguisée, conçue pour maintenir le plein-emploi dans le secteur canadien du bois d’œuvre17.
Fort de sa puissance et de son efficience politique, le lobby américain du bois d’œuvre dicte la politique commerciale américaine dans ce secteur.
Le Canada peut interjeter appel devant les cours commerciales en se réclamant de l’aLe d’abord, puis de l’aLena et enfin de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tout récemment créée, mais la position américaine demeure inflexible. Le Canada est obligé, soit d’accepter les tarifs américains, soit de mettre en application sa propre taxe sur les exportations, soit de respecter un quota strictement limité (environ d’un tiers) sur le marché américain. Comme d’habitude dans les différends 16•marasmeeTexplosiondanslesannées1980
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portant sur les échanges et les tarifs, on oublie presque entièrement l’intérêt des consommateurs, trop dispersés pour être d’une quelconque efficacité.
À cela s’ajoute le fait que le tarif américain est en fait une taxe indirecte et invisible et celui que la coalition américaine du bois d’œuvre est en mesure de concentrer son action et son influence dans des états clés disséminés entre l’atlantique (la Georgie) et le Pacifique (l’état du Washington).
Les Canadiens peuvent râler tant qu’ils veulent (ce qu’ils font) et appeler le courroux des dieux du libre-échange sur les américains, ils ne votent pas aux élections américaines. Le libre échange demeure… presque libre, et l’engagement du gouvernement américain envers le mécanisme de règlement des différends de l’aLe souffre une grosse exception, celle du bois d’œuvre18.
Un FéDéRALiSmE TOxiqUE
La réforme du fédéralisme canadien constitue le deuxième projet ambitieux de Mulroney. si ce dernier a un talent remarquable, c’est bien sa capacité à rassembler les gens et à les amener à force de cajoleries à des compromis que, si on les laissait se débrouiller seuls, ils auraient ignorés ou refusés. Les relations fédérales-provinciales semblent être de cet ordre.
Le fédéralisme canadien ne peut fonctionner sans une bonne dose de compromis entre paliers de gouvernement.
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