Une histoire du Canada
Certains pouvoirs fédéraux ne peuvent être exercés sans le consentement et la collaboration des provinces, et certaines responsabilités provinciales ne peuvent fonctionner sans contributions du gouvernement fédéral. Par ailleurs, on a toujours relevé de la concurrence entre les provinces, ou certaines d’entre elles, et le gouvernement fédéral. au dix-neuvième siècle, les différends fédéraux-provinciaux concernaient principalement l’Ontario, la province la plus grande et la plus riche, dont le gouvernement libéral a affronté les conservateurs de sir John a. Macdonald sur n’importe quel sujet, de l’énergie hydraulique jusqu’à la frontière interprovinciale avec le Manitoba.
au vingtième siècle, Ottawa a combattu les provinces des Prairies à propos du contrôle de leurs ressources naturelles, l’Ontario à propos de l’énergie hydraulique (de nouveau et de manière sempiternelle) et le Québec à propos des grands enjeux liés à la guerre et à la paix dans les années 1930
et du pouvoir de dépenser d’Ottawa dans des domaines relevant de la compétence provinciale.
après 1960, c’est sur le Québec que se concentrent les préoccupations fédérales-provinciales. nous avons vu quelles ont été les relations entre trudeau et le Québec mais le premier est parvenu à obtenir aussi bien une formule d’amendement de la constitution qu’une Charte des droits et 446
UnE HIsTOIRE dU Canada
libertés qui lie les provinces autant que le gouvernement fédéral. sur le plan politique, trudeau a tellement démoralisé le premier ministre rené Lévesque que son gouvernement a commencé à se désintégrer lorsque ses membres se sont mis à se disputer à propos de ce qu’ils pouvaient faire une fois que l’indépendance n’était plus envisageable. Lévesque a démissionné en octobre 1985 pour être remplacé brièvement par un de ses ministres, Pierre-Marc Johnson, fils du premier ministre issu de l’Union nationale dans les années 1960, daniel Johnson. À son tour, Johnson a été chassé de son poste en décembre 1985 par un parti libéral provincial revigoré dirigé par robert Bourassa, sorti de l’isolement politique et d’un exil individuel en europe pour venir reprendre la direction de son parti. en europe, Bourassa a étudié la Communauté économique européenne et ses institutions pour en arriver à la conclusion que sa province tirerait profit d’institutions et de politiques intergouvernementales avec le reste du Canada, ce que le séparatisme ne pouvait permettre. d’autre part, jamais Bourassa n’a accepté le style de fédéralisme de trudeau et il est déterminé à changer, si l’occasion s’en présente, l’héritage de trudeau, largement perçu au Québec comme de la centralisation.
Mulroney est attiré par la vision de Bourassa. Comme la grande majorité des autres Québécois anglophones, il a soutenu les libéraux fédéraux dans la lutte du fédéralisme contre le séparatisme mais, en 1984-1985, il ne comptait pas parmi les partisans de trudeau ni de son approche envers le Québec qui, selon lui, a affaibli plutôt que renforcé le fédéralisme en chassant les nationalistes modérés qui se seraient satisfaits d’un compromis raisonnable. il peut faire mieux, avec un bon partenaire, et c’est exactement ce qu’est Bourassa.
Bourassa soutient que la solution constitutionnelle de trudeau en 1982 était légale mais non légitime puisqu’elle n’a pas été acceptée par le gouvernement du Québec de l’époque ni ratifiée par l’assemblée nationale du Québec. avec son ministre de la Justice, Gil rémillard, il propose de combler ce fossé en échangeant la ratification du Québec contre un amendement de la constitution renfermant cinq conditions. Ces conditions sont la reconnaissance du Québec comme « société distincte » ; le rétablissement du droit de véto du Québec sur les changements constitutionnels, que Lévesque a échangé en 1981 dans le cadre de sa négociation constitutionnelle manquée ; de plus grands pouvoirs pour le Québec en matière d’immigration (ce qui signifie, virtuellement, davantage d’immigrants au Québec pour contrebalancer le poids des anglais) ; la réduction du pouvoir fédéral de dépenser (plus jamais de régime de pensions du Canada ni d’assurance-maladie) ; et la participation provinciale à la nomination des juges de la Cour
Weitere Kostenlose Bücher