Une histoire du Canada
membres du cabinet américain, qui vient tout juste d’être constitué sous le premier président, George Washington. dans les années 1790, personne ne peut prédire quel sera vraiment le mode de fonctionnement du régime gouvernemental américain mais, déjà, le principe de l’équilibre des pouvoirs entre les états de la constitution américaine est explicitement exposé. dans les colonies canadiennes, Pitt et Grenville n’ont proposé qu’un des plateaux de la balance, car au-delà des motivations abstraites de patriotisme ou de la notion d’intérêt public, il y a peu de mesures incitant à une collaboration entre l’assemblée, qui produit les recettes, et le gouverneur et le conseil exécutif, qui se chargent de les dépenser.
L’acte de Québec de 1774 reconnaissait le fait qu’il vaut mieux l’église catholique romaine que pas d’église du tout et donnait donc force de loi au soutien à cette église par l’entremise de la dîme, versée par des fidèles parfois récalcitrants. L’acte constitutionnel de 1791 peut difficilement répudier ce qui a été concédé il n’y a pas si longtemps, mais il expose en long et en large la volonté véritable du gouvernement britannique, soit l’établissement d’une église protestante, l’église anglicane, dans les colonies.
La Loi sur le Canada dote les anglicans de la seule valeur véritablement négociable dans les colonies : la terre, le septième de la valeur des terres dans tous les cantons. On peut conserver ou vendre ses terres, mais les revenus doivent être versés aux membres du clergé local de l’église anglicane, indépendamment de toute orientation que pourrait vouloir prendre une assemblée locale. dans la mesure où le gouvernement britannique parvient à gérer la situation, l’église ainsi établie se voit conférer une indépendance par rapport à la politique et aux politiciens locaux.
au Québec, cela signifie aussi que l’église anglicane est indépendante de la majorité catholique, qui représente 90 pour cent de la population en 1790. il y aura deux provinces au lieu d’une, qui s’appelleront toutes deux Canada (il s’agit déjà du nom couramment donné à la plus grande partie de l’amérique du nord britannique ; la Loi sur le Canada le rend officiel).
La province de l’ouest sera le Haut-Canada ; elle est sous-peuplée et sous-développée mais à grande majorité anglophone et, pour le moment, à grande majorité loyaliste. La province de l’est, en descendant le saint-Laurent, 118
UnE HIsTOIRE dU Canada
sera le Bas-Canada, très majoritairement francophone, avec une économie nettement plus développée. sur le plan économique, cependant, la langue du Bas-Canada est l’anglais et non le français et il n’est guère surprenant de constater que les barons de la fourrure de Montréal s’opposent à la division du Québec, qui fait d’eux un petit îlot linguistique dans une mer de francophones.
À certains égards, la Loi sur le Canada constitue la dernière manifestation de l’ancien empire britannique, dominé par des colonies qui copient, dans la mesure du possible, les caractéristiques et les institutions de la mère patrie. Ces colonies sont – et on s’attend à ce qu’elles demeurent – dépendantes, coincées dans un système commercial restrictif, le mercantilisme, au sein duquel la Grande-Bretagne impose le modèle de gouvernement, de société et de commerce coloniaux au profit de la mère patrie. On tolère des écarts locaux dans ce système, mais non les entorses radicales. sa force et son inspiration résident dans son respect du modèle britannique d’origine. C’est pour cela que les Loyalistes ont combattu.
LA GUERRE ET LA SAnTé DES cOLOniES
Les débats de 1791 marquent la dernière occasion pendant plus de trois décennies où la Grande-Bretagne s’intéressera au Canada. de nouvelles crises retiennent l’attention du gouvernement britannique, notamment les tensions avec l’espagne à propos du nord-ouest du Pacifique, où des revendications impériales se chevauchent au nootka sound, dans l’Île de vancouver. (Une fois résolue, cette crise place ce qui est aujourd’hui la côte de la Colombie-Britannique sous la suzeraineté britannique et limite l’expansion espagnole à la Californie.)
Les problèmes avec l’espagne n’ont rien d’important comparés au danger que semble constituer la France pour le gouvernement britannique.
La monarchie
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