Une histoire du Canada
française s’effondre en 1792 pour laisser la place à un gouvernement républicain révolutionnaire. Les puissances de l’europe occidentale tentent de remettre le roi de France sur son trône, mais cela ne fait qu’inciter les révolutionnaires à conduire l’ex-monarque à la guillotine en janvier 1793. La Grande-Bretagne déclare alors à la France une guerre qui s’étendra sur toute une génération, jusqu’en 1815.
La guerre, ou plutôt, les guerres 1793–1815 représentent davantage que les habituelles querelles dynastiques. La France a connu une révolution sociale et politique qui semble avoir menacé les fondements du gouvernement, de l’ordre et de la société. La légitimité de l’autorité monarchique semble être en jeu en Grande-Bretagne, où la révolution survenue au dix-septième 6•lesguerrespourlaconquêTedel’amérique(3) 119
siècle a donné lieu à un compromis entre le monarque, les grands manitous de la noblesse non élus de la Chambre des lords et les membres élus de la Chambre des communes – le régime équilibré du dix-huitième siècle avec, pour médiateurs, des hommes politiques comme Pitt qui veillent à leur gouvernement en s’assurant des majorités parlementaires tout en gardant à l’œil les indices de faveur ou de défaveur royale. L’attention, voire la dévotion, envers la position du monarque, George iii, représente un aspect crucial du régime et de la classe politiques britanniques.
Les dirigeants britanniques s’inquiètent devant la révolution française. Les sentiments révolutionnaires sont perçus comme contagieux et le gouvernement de Pitt surveille de près les présumés révolutionnaires et se tient prêt à intervenir. dans les efforts débridés pour consolider, à n’importe quel prix, le pouvoir en Grande-Bretagne et dans les colonies, on en oublie les gestes libéraux de 1791, la Loi sur le Canada . L’année 1792, durant laquelle ont lieu les premières sessions des assemblées législatives du Haut-Canada et du Bas-Canada, est aussi l’année des violences révolutionnaires, de la prise du palais du roi à Paris et du début d’un sanglant règne de la terreur en France. alors que les colons organisent des banquets pour célébrer leurs nouvelles assemblées législatives et porter un toast – « Que la liberté s’étende jusqu’à la baie d’Hudson », entre autres – à l’esprit de liberté britannique, les ministres britanniques commencent à voir dans la
« liberté » une importation française dangereuse14.
Les événements qui se déroulent en europe paraissent distants mais non étrangers aux yeux des colons de l’amérique du nord britannique.
Même s’il peut se passer des semaines, plus généralement des mois, avant que les colonies aient vent des événements qui se déroulent en europe, le plus souvent via new York, ils n’en sont pas moins énervants ni touchants.
Certains membres du gouvernement colonial estiment que ce qui s’est passé en France pourrait se reproduire au Québec francophone. Les esprits les plus imaginatifs ressentent de la peur face aux états-Unis républicains au sud et pensent que la contagion démocratique pourrait s’étendre de la république vers le nord jusqu’aux colonies britanniques. si c’est le cas, le danger ne viendra pas tant du Bas-Canada que du Haut-Canada, province anglophone, britannique, mais aussi des Loyalistes américains.
La guerre ne se déroule pas de manière favorable. La France révolutionnaire repousse ses ennemis, puis conquiert la majorité des parties adjacentes de l’europe, la rhénanie, la Belgique, les Pays-Bas et la plus grande partie de l’italie. La Marine royale patrouille les côtes de France et de la Méditerranée pour protéger les îles Britanniques et le commerce outre-mer, mais elle ne peut empêcher les victoires françaises sur le continent.
Pendant ce temps, la France devient une dictature, puis un empire, sous la direction remarquable de napoléon Bonaparte. Comme il n’est que trop 120
UnE HIsTOIRE dU Canada
évident qu’il ne pourra vaincre les Britanniques sur les mers, Bonaparte se sert de l’arme économique en défendant tout échange commercial avec les Britanniques. Coupée de bon nombre de ses sources européennes (plus proches et meilleur marché) de fournitures, de nourriture et, plus particulièrement, de bois pour construire les navires de sa marine, la Grande-Bretagne se tourne vers ses colonies.
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