Une histoire du Canada
qu’anglophone du Bas-Canada est terrifiée. Les membres des ordres inférieurs – des « habitants » pour la plupart – manquent de déférence, allant même jusqu’à l’insubordination.
ils résistent à une tentative de dorchester de lever la milice du Bas-Canada.
Les « habitants » refusent de réparer les chemins. On signale, à plusieurs reprises, l’apparition du « bonnet phrygien ». L’hymne révolutionnaire français, La Marseillaise, s’immisce dans des oreilles terrorisées. Y a-t-il un vent de révolution dans l’air ? Les loyaux « habitants » catholiques vont-ils passer leurs prêtres par le fil de l’épée ou les envoyer en exil comme l’ont fait leurs cousins dans la vieille France ? Le clergé, les seigneurs et le gouvernement espèrent que non tout en ne pouvant en avoir la certitude.
en novembre 1793, l’assemblée législative suspend donc le droit d’ habeas corpus et maintient sa suspension. Le gouvernement peut désormais mettre les gens en prison sans procès et sans motif.
Les plus chanceux sont peut-être ceux qui sont incarcérés sans procès. La preuve en est faite lorsque survient une véritable conspiration révolutionnaire, la meilleure façon d’effrayer le gouvernement et tous ses loyaux sujets. Le cœur de la conspiration se trouve au vermont, où un groupe d’hommes politiques conspire avec les Français pour envahir le Canada 6•lesguerrespourlaconquêTedel’amérique(3) 125
et soulever les Canadiens français ; à cette fin, le gouvernement français fournit vingt mille fusils à pierre pour armer les « habitants ». On ne saura jamais ce que les « habitants » en auraient fait car ils sont interceptés dans la Manche par la Marine royale. Un des conspirateurs, david McLane, est condamné et pendu pour trahison à Québec en juillet 1797. On lui tranche ensuite la tête et on dépèce son corps. son juge est considéré comme le
« répresseur des émeutes et de la sédition dans le nouveau Monde20 ».
dominée à l’époque par les représentants seigneuriaux et ceux des riches marchands anglophones de Montréal, l’assemblée de Québec fait preuve d’une loyauté sans fin. en 1799, elle vote en faveur du versement de £20 000 au gouvernement britannique pour qu’il engage des poursuites contre la guerre. en 1798, la victoire de l’amiral nelson sur la flotte française au terme de la bataille du nil donne lieu à des réjouissances publiques et des messes de célébration. en 1805, après la mort de nelson à trafalgar, les commerçants de Montréal érigent une colonne à sa mémoire. À ce moment, la guerre a tourné en une lutte directe contre l’agression et la tyrannie française, car la révolution a laissé la place à une dictature, puis à l’empire de napoléon Bonaparte. Ce dernier se bat pour la domination du monde et les Britanniques lui résistent, souvent seuls.
dans l’histoire politique et culturelle canadienne, c’est davantage la phase antérieure, extrême ou jacobine de la révolution française que la période napoléonienne qui présente de l’intérêt. On finit par oublier le risque d’une révolution, l’idée que les habitants du Bas-Canada – et ceux des autres provinces d’ailleurs – ne sont guère attachés à la religion ou au pouvoir monarchique. L’important est qu’il n’y ait eu ni rébellion ni révolution. Comme le souligne l’évêque de Québec, il y a désormais une scission évidente entre le Canada français et son passé français. La conquête de 1760 a constitué une véritable bénédiction, sauvant le Québec des affres de la révolution et de l’athéisme. Le message est renforcé par des réfugiés catholiques et royalistes, dont cinquante prêtres, venus de la vieille France. très instruits et ardemment persuasifs, ils exercent une profonde influence sur la culture littéraire et religieuse du Canada français21. ils se font les messagers du fait que la vieille France a abandonné la véritable religion et que la conquête de 1760, loin d’avoir été un accident déplorable de l’histoire, a été le fruit de la providence22. Le protestantisme britannique est préférable à l’athéisme français et, heureusement, les « Canadiens »
jouissent de la liberté – britannique – de choix.
On met souvent en contraste la véritable liberté et l’enthousiasme révolutionnaire, ainsi que la tyrannie que la révolution entraîne dans son sillage. Pour ce genre
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