Une histoire du Canada
l’absorption d’un grand nombre d’immigrants, la question de l’esclavage, qui, dans les années 1820, commence à perturber puis à définir la politique américaine. La république du Mexique, indépendante depuis peu mais faible sur le plan militaire, suscite des controverses, qui finissent par déboucher sur une guerre qui entraîne l’annexion, par les états-Unis, du texas, de la Californie et des territoires qui se trouvent entre les deux. tout cela prend du temps et de l’énergie, de sorte qu’il ne reste guère de volonté politique pour ramener les colonies britanniques au bercail.
il n’y a aucune raison de perturber les habitants des provinces maritimes, très semblables aux américains du côté anglophone. en ce qui a trait aux Français du Bas-Canada, on les perçoit de plus en plus comme exotiques, massés dans leurs villages le long du saint-Laurent sous les flèches de leurs églises. vu leur religion catholique et leur langue française, ils ne représentent plus une menace mais plutôt une sorte d’attraction touristique. « À un voyageur du vieux monde, le Bas-Canada peut avoir l’air d’un pays nouveau et ses habitants avoir l’air de colons mais à moi », écrit Henry thoreau en 1850, « qui venais de la nouvelle-angleterre et qui 7•TransformaTionseTrelaTions,1815–1840
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étais en outre un voyageur très inexpérimenté […] il m’apparut aussi vieux que la normandie elle-même et témoignait bien de ce que j’avais entendu dire de l’europe et du Moyen âge8 ».
du point de vue canadien, la perspective des états-Unis paraît plus sombre. Pendant la guerre, les habitants des colonies d’origine américaine sont restés, pour la plupart, loyaux envers le camp britannique ; à tout le moins n’ont-ils pas apporté leur soutien aux armées américaines. Pourtant, certains l’ont fait, surtout dans la partie occidentale du Haut-Canada.
Capturés, jugés et condamnés à ancaster en mai 1814, huit habitants du Haut-Canada qui ont combattu du côté américain sont pendus. Leurs biens sont confisqués.
La question de la loyauté « américaine » traîne en longueur après la guerre. Les élites provinciales se servent de la question de la loyauté, ou de la question américaine, pour renforcer leur propre pouvoir. Officiellement loyaux envers la couronne, ils cherchent à exclure les ex-américains des fonctions publiques. étant donné la grande proportion de gens d’origine américaine dans les provinces, on risque d’exercer de la discrimination envers la moitié de la population du Haut-Canada, si ce n’est la priver de ses droits de représentation. « [Les] tout premiers éléments sur lesquels notre système social repose, écrit une dame de toronto en 1837, sont la répugnance et le mépris envers les nouvelles institutions des états-Unis, et l’aversion envers les gens de ce pays9. »
vu de Londres à travers le prisme de deux siècles, le concept d’« amérique du nord britannique » semble naturel : des colonies britanniques plus ou moins semblables par leur origine, leur régime politique, leurs liens économiques et leur culture générale, toujours à l’exception du Bas-Canada. au cours des années 1820 et 1830, cependant, l’amérique du nord britannique n’est guère plus qu’une appellation. Le gouverneur de Québec en est simplement le chef en titre. Les lieutenants gouverneurs des provinces de l’atlantique reçoivent leurs ordres directement de Londres et le lieutenant-gouverneur du Haut-Canada est à peine moins important. Les hommes politiques des diverses provinces ont peu de choses en commun et il n’existe pas non plus de mouvement de va-et-vient démographique.
Les économies de la nouvelle-écosse, du nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-édouard et de terre-neuve sont tournées vers l’extérieur, vers l’océan et, au-delà de celui-ci, vers les antilles et la Grande-Bretagne.
Les provinces de l’atlantique ont davantage en commun avec la nouvelle-angleterre qu’avec les deux Canadas : les vieilles relations ont la vie dure et Boston demeure la métropole régionale aux yeux des néo-
écossais. À n’en pas douter, les gens qui habitent des deux côtés de la frontière se reconnaissent encore. Lorsque l’avocat et juge néo-écossais 146
UnE HIsTOIRE dU Canada
thomas Chandler Haliburton publie en feuilleton les aventures d’un colporteur yankee imaginaire en nouvelle-écosse au milieu des années 1830,
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