Une histoire du Canada
en partie en raison de l’éloignement et de l’isolement du Cap-Breton et de l’absence, dans l’île elle-même, d’un centre de population important pour rétablir l’équilibre démographique et de la non-existence d’autres courants d’immigration.
au dix-neuvième siècle, le Cap-Breton n’exerce pas une grande influence sur la politique de la nouvelle-écosse. Par nécessité, c’est à Halifax qu’est centrée la politique et c’est là que surviennent les premières graves dissensions politiques. au début, il ne s’agit que de quelques querelles sur les revenus entre l’assemblée élue et le conseil nommé, que l’on finit pas nommer, de manière plutôt funeste, le « Conseil des douze ». (L’auteur de Sam Slick, thomas Chandler Haliburton, les appelle « les douze vieilles dames », mais il y a beaucoup de politiciens en herbe, en dehors de ce cercle charmant, qui souhaitent s’y joindre.) Puis, en 1835, Joseph Howe, un journaliste fils d’un réfugié loyaliste venu de Boston, porte des accusations d’inconduite contre certains membres de l’élite locale. Ceux-ci répliquent par une poursuite pour libelle diffamatoire. Howe se défend ardemment et, aux termes de délibérations qui durent dix minutes, il est acquitté par un jury d’Halifax.
Howe s’exprime avec éloquence. « Le gouvernement ressemble à une antique momie égyptienne, écrit-il, enveloppé dans des préjugés étroits et antiques, mort et inanimé, mais il durera sans doute éternellement18. »
Howe entreprend de désenrubanner la momie. élu à l’assemblée en 1836, il concocte une majorité assez chancelante en faveur de la réforme et, en 1837, fait adopter douze résolutions exigeant du gouvernement qu’il rende véritablement compte de ses actes devant l’assemblée élue, comme c’est le cas en Grande-Bretagne. Un des faits saillants des propositions de Howe est la séparation de l’église anglicane et de l’état, de sorte que toutes les confessions religieuses se retrouvent sur un pied d’égalité.
aucune revendication ne saurait mieux exprimer le caractère non tory de la société coloniale ; elle correspond aussi aux vues de la grande majorité des habitants non anglicans de la province. Ce genre de revendication ne peut que soulever l’ire de l’institution anglicane d’Halifax, ce qui s’avère.
La réaction du gouvernement britannique est contradictoire, manque de fermeté et prend du temps. À Londres, ce sont les whigs qui sont au pouvoir et, s’ils l’ont, c’est parce qu’ils se sont servis de la question de la réforme parlementaire et ont étendu le droit de vote à toutes les classes de la société qui en étaient autrefois privées. Collectivement et individuellement, le gouvernement est donc mal à l’aise pour nier ou défier les aspirations d’une assemblée élue. « vous vous trompez », écrit un gouverneur colonial à un ami conservateur du Haut-Canada, « l’esprit du vrai et franc torysme de l’ancien temps [est] disparu. Mort, défunt, battu et pas plus capable 150
UnE HIsTOIRE dU Canada
maintenant de visiter de nouveau les nations du globe qu’il est possible pour les étincelles de tomber ou pour la rivière de remonter son cours19. »
Lentement, le gouvernement britannique bat en retraite, concédant un point ou l’autre tout en s’efforçant de conserver son droit de contrôle, par l’entremise du lieutenant-gouverneur, sur les pouvoirs considérés comme essentiels. Confus et désordonné, le processus ne donne lieu rapidement à aucune conclusion satisfaisante.
il pourrait difficilement avancer plus vite car on ne peut considérer isolément le cas de la nouvelle-écosse ou celui du nouveau-Brunswick.
il faudra finir par faire à toutes les colonies les concessions faites à l’une d’entre elles, et ce ne sont pas les colonies côtières mais bien les plus grandes provinces de l’intérieur des terres qui imposent le rythme de l’évolution.
LES DEUx cAnADAS
depuis toujours, les provinces de l’atlantique sont moins peuplées que le Bas-Canada, mais, dans les années 1820, elles le sont également moins que le Haut-Canada. Ce sont les deux colonies canadiennes populeuses qui causeront le plus de problèmes au gouvernement britannique pendant les années 1820 et 1830 jusqu’à ce que, en 1837-1838, éclatent de véritables rébellions armées.
À la base, le problème est le même. Les majorités locales en viennent à penser que
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