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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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était parti en
tournée, direction Buffalo. Ruth avait reçu un pli épais lui donnant pour
instruction de faire avaler à Albert les somnifères en poudre ci-joints avant
le départ des Snyder pour la soirée chez Milton Fidgeon, le 19 mars. Ruth
les avait vidés dans l’évier de la cuisine. Mais ses pires craintes s’étaient
réalisées à son retour ce samedi soir là, quand elle s’était rendu compte de la
présence de Judd dans la chambre de sa mère. Elle lui avait chuchoté qu’elle le
rejoindrait plus tard, car elle désirait lui signifier que leur relation était
terminée. Elle avait patienté vingt minutes, jusqu’à ce qu’elle eût la
certitude que son mari dormait, puis elle était retournée voir Judd, qui
l’avait embrassée.
    « J’ai immédiatement senti les gants de caoutchouc
qu’il avait aux mains et j’ai protesté : “Judd, qu’est-ce que tu veux
faire ?” Et il est devenu à demi fou à la pensée que les choses ne se
déroulaient pas comme il l’avait prévu.
    — Qu’est-ce qu’il vous a dit ?
    — Il a lâché : “Si tu m’empêches d’agir cette
nuit, je nous supprime tous les deux.” Il a brandi le revolver de mon mari et
il a renchéri : “C’est lui ou nous.” Je l’ai saisi par la main et je l’ai
entraîné en bas, dans le salon. »
    Elle affirma qu’ils avaient causé un moment, qu’elle l’avait
imploré de renoncer à toute idée de meurtre – « et sous le coup de
l’émotion, j’ai dit des choses qui l’ont certainement mis en rage. » Elle
s’était excusée pour aller aux toilettes à l’étage, puis elle avait « entendu
un coup terrible ». Elle s’était ruée dans le couloir et avait aperçu Judd
à cheval sur Albert, en train de le frapper avec le contrepoids.
    D’un air apparemment sincèrement haletant, Hazelton la
relança :
    « Qu’avez-vous fait ?
    — Je me suis précipitée et j’ai attrapé Mr Gray
par le cou, je l’ai écarté et, alors que je luttais avec lui, il m’a étalée
d’un coup de poing et je me suis évanouie. Je ne me souviens de rien jusqu’à ce
que je reprenne connaissance et que je trouve mon mari étendu là, sous un tas
de couvertures. Je les ai soulevées et… »
    Elle se plia en deux, tremblante, et pleura une bonne
minute.
    Le silence se fit dans la salle.
    Judd leva un regard fugitif vers elle, puis contempla ses
chaussures. Une vieille et massive surveillante de prison s’approcha de Ruth et
la prit dans ses bras pour la calmer. Le juge Scudder considéra Ruth, puis
enjoignit finalement à Hazelton :
    « Vous pouvez continuer.
    — Oui, monsieur le juge, acquiesça l’avocat de Ruth.
Quand vous êtes revenue à vous, reprit-il, Gray était-il dans la chambre ? »
    Ruth s’essuya les yeux avec son mouchoir et indiqua que non.
Elle tâchait de dégager la tête de son pauvre époux des couvertures quand Judd
avait déboulé en vociférant : « Tu essayes de défaire ce que j’ai
fait ? » Il l’avait brutalement traînée jusqu’à la chambre de
Josephine et lui avait exposé : « La messe est dite et tu es tout
aussi coupable que moi. » Puis il avait énoncé : « On n’a qu’à
simuler un cambriolage. On s’en sortira tous les deux. »
    « Je n’ai pas du tout pris part au meurtre, jura Ruth à
son avocat, mais je savais que j’étais dans la panade et je suis restée assise
à l’écouter, pendant qu’il inventait les mensonges que j’ai débités aux
enquêteurs tout le dimanche.
    — Aviez-vous peur, à ce moment-là ? s’enquit
Hazelton.
    — J’étais littéralement terrifiée. Je voyais bien qu’il
avait fait n’importe quoi, mais j’ignorais comment m’en sortir autrement qu’en
lui obéissant. »
    Elle l’avait aidé à saccager la maison, puis s’était laissé
bâillonner et ligoter les mains et les pieds.
    « Pourquoi y avez-vous consenti ?
    — Parce que je redoutais qu’il me liquide sur-le-champ
si je n’accédais pas à toutes ses demandes. »
    La séance fut suspendue.
    Et, ce soir-là, Damon Runyon écrivit de Ruth :
« Dans l’ensemble, elle est demeurée aussi froide et calme, devant ce
millier de personnes à l’affût, que si elle avait été assise à table chez elle,
discourant devant des invités. Les mains jointes dans son giron, elle a bien de
temps à autre adressé un regard au jury, mais elle a pour l’essentiel gardé les
yeux rivés sur Edgar Hazelton. Si elle est bien la furie blonde

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