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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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s’étaient
offert une partie de jambes en l’air pour célébrer ça avant même que le corps
d’Albert eût le temps de refroidir. Le procureur le sous-entendit d’ailleurs
dans son exposé liminaire, lorsqu’il releva cet intervalle de trois heures qui,
d’après lui, n’avait pu être employé qu’à « des machinations, des
manigances, des manipulations et Dieu sait quoi d’autre – moi, je ne tiens
pas à l’apprendre. »
    Warren Schneider attesta que le cadavre qu’il avait
identifié était bien celui de son frère ; le Dr Howard Neal, de
l’institut médicolégal, rendit compte de la cause du décès ; un
toxicologue fit ressortir l’extrême ébriété d’Albert ; le directeur
administratif du Waldorf-Astoria confirma l’existence de plus de cinquante
souches signées « Mr et Mrs H. J. Gray » dans le
registre ; et Leroy Ashfield, qui avait de manière compréhensible perdu
son poste à la Prudential Life Insurance Company, soutint mollement qu’il ne
cherchait pas à duper Mr Snyder en lui faisant apposer sa signature sur un
formulaire vierge qui devait se muer en police d’une valeur de quarante-cinq
mille dollars assortie d’une clause de double indemnité.
    On lut des aveux ; des inspecteurs du Queens et des
assistants de procureurs se ressouvinrent de leurs actions, de leurs observations,
de leurs conversations ; un serveur allemand du Henry’s indiqua qu’il y
avait souvent vu Ruth et Judd ensemble ; le Dr Harry Hansen, premier
médecin sur les lieux du crime, assura qu’il n’avait décelé chez Ruth aucune
blessure à la tête qui eût pu la plonger dans l’inconscience. Furent présentés
comme pièces à conviction le fil de fer, le portemine Cross en or, le pistolet
d’Albert, la serviette et la cravate utilisées pour le ligoter, le foulard en
coton bleu imbibé de chloroforme, la flasque de whisky empoisonné de Judd et la
taie d’oreiller ensanglantée dénichée dans la panière à linge des Snyder.
    Il fut établi qu’on avait repéré Judd en train d’attendre un
bus à Queens Village le dimanche 20 mars, qu’un taxi l’avait conduit de
Jamaica Station à Manhattan et qu’on l’avait remarqué durant son trajet de
Grand Central à Syracuse ce même matin. Puis Haddon Jones et Harry Platt furent
appelés à témoigner des dissimulations de Judd ce soir-là. Et soudain, sur le
coup de midi, le 28 avril, Richard Newcombe se leva et annonça :
« L’accusation n’a plus rien à ajouter. »
    Les avocats des accusés furent si surpris que le ministère
public interrompît son réquisitoire à ce stade qu’ils réclamèrent et obtinrent du
juge Scudder un délai pour préparer leurs requêtes et organiser leur défense.
     
    Puis, enfin, les quinze cents personnes entassées dans la
salle d’audience, dans l’immense majorité des femmes, furent récompensées par
le témoignage glaçant de Mrs Ruth Snyder, la diablesse qu’elles
détestaient déjà. L’écrivain et journaliste Damon Runyon avait ainsi décrit son
attitude jusqu’alors : « Quels que soient ses défauts, qui semblent
nombreux, cette femme paraît avoir du cran. Elle n’a pas un moment tremblé,
contrairement à son ancien petit camarade des jours tendres, avant ce noir
petit matin du 20 mars. Elle s’est montrée froide, calme, dédaigneuse,
fougueuse, colérique, mais jamais anxieuse, si ce n’est, peut-être, lors des
brèves allées et venues occasionnées par les suspensions d’audience, car il lui
faut alors affronter les yeux voraces de l’assistance. Telle semble être, pour
elle, l’épreuve la plus pénible. »
    Elle fut appelée à témoigner dans l’après-midi du vendredi
29 avril et se hâta de gagner la barre, les deux mains crispées sur le
devant de son manteau noir comme jais, la chevelure paille presque entièrement
dissimulée sous un chapeau-cloche en feutre, avec un regard glacé qui évitait
celui d’autrui.
    Les centaines de curieux qui écoutaient dans le couloir,
grâce aux haut-parleurs, déclenchèrent presque une émeute lorsqu’ils voulurent
pénétrer de force dans la salle d’audience et les policiers sortirent leur
matraque pour repousser l’afflux.
    Une fois la tranquillité quelque peu revenue, le juge
Scudder se pencha vers Ruth, à sa gauche, et l’avertit de sa voix profonde et
théâtrale :
    « Mrs Snyder, vous n’êtes pas obligée de déposer
en tant que témoin. La loi est en votre faveur et vous ne pouvez

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