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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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bien, c’est fantastique !
    — La clause de double indemnité nous a laissés
perplexes. »
    Ashfield se renversa sur sa chaise en chêne et se rengorgea,
avec la supériorité de celui qui sait.
    « Une indemnité est simplement la compensation d’un
préjudice. Dans la mesure où la vaste majorité des gens décède de mort
naturelle plutôt qu’accidentelle, il est avantageux pour les assureurs
d’attirer le chaland en faisant miroiter le doublement de la valeur du contrat.
Ça ne vous passe pas trop au-dessus de la tête ? »
    Elle le gratifia d’un sourire indulgent, mais ne dit rien.
    Ashfield sortit avec fatuité une règle à calcul pour
effectuer quelques vérifications, puis émit un grognement.
    « Il y a un problème avec la clause d’invalidité. Vu
les revenus de votre mari, la compagnie ne peut pas vous verser plus de cinq
cents dollars par mois et le contrat à cinquante mille dollars en prévoit cinq
cent vingt. »
    Ruth se rembrunit.
    « Ah.
    — Mais si vous me le permettez, poursuivit Ashfield,
nous pouvons rédiger un contrat à quarante-cinq mille dollars comprenant les
clauses d’invalidité et de double indemnité, et un second de cinq mille dollars
sans ces clauses, et tout ira comme sur des roulettes. »
    Mrs Snyder lui sembla déroutée, ou peut-être partagée.
    « Faudra-t-il que je les refasse signer à Albert ?
    — N’avons-nous pas la preuve qu’il souhaite une
couverture de cinquante mille dollars ? »
    Elle confirma de la tête.
    « Alors, avec votre autorisation, je décalquerai sa
signature sur cette police à cinq mille dollars et nous changerons la valeur de
celle-ci de cinquante à quarante-cinq mille dollars. »
    Ruth sourit.
    « Vous êtes vraiment bel homme, vous
savez ? »
    Il n’en était rien, mais Ashfield rougit et s’absorba dans
les formulaires.
    « Mon mari s’inquiète pour l’argent et il a horreur de
régler les factures. Vous serait-il possible de prendre contact directement
avec moi, concernant les primes ?
    — Ce sera un plaisir », lui assura Ashfield, avec
un regard concupiscent.
    En moins de dix minutes, les formulaires furent remplis.
Ashfield empocha cinq cents dollars de commission et Ruth repartit avec les
contrats et se rendit immédiatement à la Queens-Bellaire Bank, où elle les
déposa dans un coffre qu’elle loua sous son nom de jeune fille, Ruth
M. Brown.
     
    Le premier accident se produisit ce week-end-là.
    Ce dimanche, le 15 novembre, Lorraine Snyder fêtait son
huitième anniversaire. Josephine et Ruth allumaient les bougies du gâteau à la
cuisine après le repas de midi, quand elles entendirent Albert s’écrier à la
salle à manger :
    « Ne mange pas avec tes coudes sur la table,
Lora ! Ce n’est pas une cafétéria, ici ! »
    Lorraine pleurait encore lorsque sa mère entra avec le
gâteau.
    « Je t’emmènerai déjeuner en ville demain, Lora,
déclara Ruth. Ça te plairait ? »
    La petite acquiesça de la tête. Ruth lui offrit une poupée
qui disait « maman », une robe de princesse en nansouk et des
chaussures de claquettes ; elle reçut de la part de Mrs Brown un
billet d’un dollar et le livre Winnie l’ourson, d’A. A. Milne, et
Albert, qui déplorait toujours qu’elle ne fût pas un garçon, lui fit cadeau
d’un canif et d’un jeu de construction Erector. À peine son père, tout excité,
se mettait-il à quatre pattes au salon pour l’aider à assembler la charpente
d’un pont de chemin de fer imaginaire, que Lora s’en désintéressa et s’assit en
tailleur par terre pour causer chiffons avec sa poupée en barboteuse coiffée
d’un joli bonnet. Albert se redressa sur les genoux, sourcils froncés, et
considéra sa fille, puis son épouse.
    « Eh bien, c’est un four, grommela-t-il.
    — Je n’y suis pour rien. Ce n’était pas mon
idée. »
    Vexé, Albert s’en fut au garage pour bricoler sa Buick. Une
demi-heure, plus tard, Ruth enfila de vieux couvre-chaussures en gutta-percha
et son manteau préféré en peau de léopard, puis remplit un verre de whisky
canadien et l’emporta dehors au milieu des premiers flocons d’automne. Elle fut
étonnée par la chaleur à l’intérieur du garage et constata qu’Albert avait
installé un poêle à gaz dont le tuyau débouchait dehors par un carreau découpé.
La Buick Eight était sur le cric, la roue avant gauche démontée, et Albert
allongé sur un chariot de garagiste sous la voiture, de sorte que

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