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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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à Rochester ou à Scranton, et, dans
un état panique de peur, de peine et de délaissement, il finissait par lui
téléphoner un matin, afin d’être certain de l’absence de ce mari qu’il
surnommait « Son Excellence ». Elle le calmait alors, de sa douce
voix de velours, le rassurant ou le grondant d’être aussi bêta qu’un jeune chien –
elle avait simplement été occupée et, d’ailleurs, elle lui avait écrit le matin
même.
    Aux anges, ou, du moins, serein quand il était avec Ruth, il
était de plus en plus souvent tourmenté par de traîtres élans de désespoir et
d’abattement lorsqu’il était loin d’elle. Son anxiété alors se déchaînait, ses
pensées montraient les crocs. Elle ne lui avait pas écrit depuis quarante-huit
heures quand, un vendredi, il avait reçu dans sa chambre d’hôtel de Binghamton
un appel interurbain effroyablement coûteux en PCV de la part de Ruth.
    « Ne rentre pas chez toi ce soir, lui avait-elle
susurré. Zari’s. Huit heures. »
    Et elle avait raccroché.
    Expédiant ses rendez-vous en ville, il était parvenu à
téléphoner à son épouse pour la prévenir qu’il ne serait pas de retour avant
samedi, puis à sauter dans un train jusqu’à la gare de Grand Central, avant de
débarquer au Zari’s avec sa valise et sa malle d’échantillons. La préposée au
vestiaire lui avait décoché un regard indigné, comme si Judd était un camelot
de cambrousse qui vendait des balais au porte-à-porte, et avait rayé le
plancher en tirant ses affaires à l’écart.
    Ruth avait fait signe à Judd de la main depuis une table
rectangulaire pour quatre, en dessous de la galerie en surplomb, et lui avait
présenté sa cousine, Mrs Ethel Anderson Pierson, et un médecin empâté
d’une quarantaine d’années, qui ne divulgua que son prénom – Sydney. Son
smoking et ses guêtres blanches suggéraient l’aisance et son annulaire dodu
portait la marque d’une alliance absente. Ethel était une jolie femme au foyer
de vingt-sept ans, joviale et piquante. Elle avait des yeux qui tiraient sur le
vert et une chevelure rousse flamboyante, mais aussi un air famélique, signe
avant-coureur de la tuberculose, pour lors non diagnostiquée, qui l’emporterait
un an plus tard.
    « On ne dîne pas, annonça Ruth. Il faut qu’on y
aille. »
    Syd le médecin additionna de bourbon son grand verre de
Ginger Ale avec des glaçons et fit glisser sa flasque de gnôle vers Judd, à qui
Ethel fit le topo de la situation : elle était amoureuse de Syd et elle
vivait séparée de son mari, Eddie. Elle n’avait pas, pour l’instant, de motif
de divorce, car les tribunaux de New York exigeaient des preuves de brutalité
grave ou d’infidélité sexuelle. Eddie n’était pas du genre à cogner sur les
bonnes femmes, mais Ethel le soupçonnait d’être comme beaucoup de gus dans la
police et d’extorquer des faveurs sexuelles aux putains au lieu de leur mettre
les bracelets, même si elle ne l’avait jamais piqué. Et comme elle voulait lui
soutirer une pension alimentaire, elle avait besoin d’un cliché de son ex avec
une pépée dans les pattes.
    « En flagrant délit, traduisit Syd.
    — Et c’est là que tu entres en scène », intervint
Ruth.
    Ethel glissa une main sous sa chaise et brandit l’étui
rectangulaire en cuir d’un appareil Kodak Autographic, qu’elle tendit à Judd.
    « Nous prendrons la voiture de Syd, vous engagerez une
prostituée…
    — Pardon ?
    — Je ne peux pas risquer de perdre mon autorisation
d’exercer, argua Syd.
    — Et ma réputation, à moi ?
    — Vous êtes représentant en gaines ! »
s’écria Ethel.
    Ruth posa une main réconfortante sur celle de Judd.
    « On dégotte la poule idoine, on la conduit à
l’appartement d’Eddie. Elle frappe à la porte et elle prétend qu’on lui a posé
un lapin, un truc de ce genre, et qu’elle se caille dehors. »
    Bien qu’offensé, Judd se sentit aussi, bizarrement, excité.
    « Vous vous rendez compte à quel point cette idée est
démente ? » souligna-t-il.
    Toutefois, il resta là, le bourbon de Syd entre les mains.
    « Eddie fera entrer la souris, poursuivit Ethel, il lui
offrira peut-être à boire, elle lui dira combien elle lui est
reconnaissante : comment d’ailleurs pourrait-elle le remercier ?
Eddie résiste mal à la tentation. Et quand ils embrayeront sur les choses
sérieuses, vous déboulez à l’intérieur et vous volez un cliché.
    —  Et

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