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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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d’ardeur, hors de lui. Elle le
faisait ramper, le déstabilisait, puis le caressait en roucoulant lorsqu’il
finissait par se recroqueviller en position fœtale à ses pieds.
    Un jour, elle se présenta dans leur chambre du
Waldorf-Astoria avec deux bouteilles d’ersatz de scotch et regarda
affectueusement Judd en vider un verre à dents.
    « Comment c’est ? » se renseigna-t-elle.
    Judd toussa.
    « C’est le truc le plus fort et le plus spécial que
j’aie jamais goûté.
    — Voilà qui aidera. »
    Elle alla chercher son sac à main vert en alligator et en
retira deux petites fioles de poudre. Elle en vida une dans le verre et le
remplit de whisky.
    « Cul sec », encouragea-t-elle Judd.
    Il hésita.
    « Qu’est-ce que c’est ?
    — Tu te souviens de Johnny, de l’hôpital psychiatrique
de Creedmoor ? Le surveillant ! Il a volé ça pour moi. On sait ce que
ça fait aux patients. Je veux voir ce que ça donne sur toi. »
    Judd leva le verre pour en inspecter le contenu. De
minuscules particules de poudre tourbillonnantes troublaient le whisky et
retombaient lentement tels des flocons de neige.
    « Et pour quelle raison j’accepterais ?
    — Parce que je te le demande », répliqua-t-elle,
tout miel.
    Judd s’exécuta.
    « Il y a un arrière-goût ? » s’enquit-elle.
    Il fit la grimace.
    « Oui, amer.
    — Tiens, dit-elle, après avoir répété le processus avec
la seconde fiole. Goûte d’abord. »
    Judd trempa la langue dans le scotch.
    « Ça se remarque ? s’informa-t-elle.
    — Oui. C’est sucré, comme cette sauce dans la cuisine
chinoise.
    — Bon, peut-être que ce sera mieux. Bois.
    — Mais qu’est-ce que ça va me faire ? »
    Elle prit un air innocent, presque ahuri.
    « Je n’en suis pas certaine.
    — Ça pourrait m’empoisonner.
    — Oh, contente-toi d’avaler, Judd ! »
ordonna-t-elle avec véhémence.
    Judd obtempéra. Et il ne tarda pas à ressentir les effets.
Dans un premier temps, il ne put s’arrêter de faire les cent pas, mais il avait
l’impression d’être sur des échasses et il dut finalement s’allonger. La
chambre lui semblait vaste de plusieurs hectares et aussi haute qu’une
cathédrale. Les molécules d’air lui picotaient les yeux comme des gouttes d’eau
glacées. Son audition s’altéra, de sorte que les paroles de Ruth lui
parvenaient comme de très loin. Elle l’informa qu’elle devait rentrer à Queens
Village ce soir-là. Judd la raccompagna galamment jusqu’à la porte, puis
s’effondra sur le lit, et il contemplait la fascinante topographie de la pulpe
de ses doigts, assis à côté du téléphone, quand Ruth l’appela du hall de
l’hôtel pour s’assurer de son état.
    Lorsqu’elle entendit ses réponses pâteuses et incohérentes,
elle lui recommanda :
    « Ne quitte pas la chambre ! Ne bouge pas !
Dors ! Je reviens demain matin. »
    Mais Judd avait dû sortir, car il avait le vague souvenir
d’un drôle de petit snack et d’un sandwich Reuben, puis, de retour dans sa
chambre, aux environs de quatre heures du matin, d’avoir essayé de refourguer
tous ses billets au concierge de nuit du Waldorf-Astoria.
    Ruth lui téléphona le samedi matin à neuf heures.
    « Comment te sens-tu, à présent ?
    — Terriblement mal. Tout est voilé. J’arrive à peine à
me déplacer.
    — Il faut que tu te secoues. Ne va pas travailler. Dis
que tu es malade. Je serai là en moins de deux. »
    Une heure plus tard, elle découvrit Judd endormi dans la
baignoire pleine d’eau refroidie, à quelques centimètres de se noyer. Elle le
réveilla, le lava et le sécha. Judd sortit son rasoir de sûreté Gillette et
insista pour se raser, mais Ruth lui passa une main sur le visage et l’informa
qu’il l’avait déjà fait. Pendant qu’il s’habillait, elle fit monter du café et
de l’aspirine Bayer pour son mal de tête. Puis elle sourit.
    « J’ai bien failli avoir ta peau, hein ? »
s’amusa-t-elle.
    Et devant son silence, de le rabrouer :
    « Oh, ne boude pas ! »
    Judd n’était plus qu’une loque, mais il était encore capable
de marcher en titubant pour peu qu’il s’appuyât au mur de la main. Ruth le
soutint par la taille comme un invalide, l’abreuvant d’instructions à chaque
pas, chaque changement de direction. Elle s’acquitta de huit dollars à la
caisse pour la chambre et la jeune réceptionniste enjouée s’exclama :
    « Au plaisir de vous

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