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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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macarons
encore tièdes qui sortaient du four et leur raconta que Buddy adorait lire
quand il était jeune, que c’était un excellent élève et un athlète complet qui
serait entré à l’université et à l’école de médecine s’il n’avait pas contracté
une pneumonie au lycée. Tout en caressant Nicky, son loulou de Poméranie blanc,
qu’elle avait sur les genoux, elle évoqua aussi les postes que Bud avait
occupés, les bonnes actions qu’il avait accomplies et précisa : « Il
n’était pas ce que j’appellerais un buveur. » Elle affirma aussi :
« La vie de famille de Bud était idéale. Isabel et lui ne se disputaient
jamais. Ils avaient un arrangement à cinquante-cinquante, selon lequel ils
étaient tous les deux égaux sous leur toit. »
    On lui demanda si elle aimait autant le Judd Gray actuel que
celui d’antan et elle répondit : « J’aime le fils que je connais
depuis trente ans. Le Judd Gray d’aujourd’hui est un garçon que je ne comprends
pas. Mais je me dois de l’aider. Il faut qu’il revienne à lui. Je m’efforce de
le retrouver derrière cette étrange personnalité et… » La voix
chevrotante, elle s’interrompit à mi-phrase, incapable de poursuivre, les yeux
inondés de larmes poignantes.
    Les journalistes lui exprimèrent sobrement leur sympathie,
puis prirent congé et ce fut seulement lors du trajet cahotant jusqu’à New York
que l’un d’eux s’aperçut, en épluchant ses notes, qu’elle appelait
systématiquement Judd « mon fils », « mon précieux petit »
ou « mon chéri ». Elle prétendait avoir toujours exhorté
« Buddy » à se comporter comme un homme, mais elle n’avait jamais employé
ce mot pour le qualifier. Et il avait trente-quatre ans.
     
    Les avocats de Judd obligèrent leur client à subir une
radiographie du crâne afin de déterminer s’il existait une raison médicale au
crime, puis à s’entretenir avec un jury de quatre aliénistes afin d’arrêter
s’il était sain d’esprit. Entre autres tests, Judd dut fournir un échantillon
sanguin à des fins d’analyse, marcher sur une ligne tracée à la craie et
tourner sur lui-même jusqu’à ce qu’il s’écroulât. La psychiatrie en était
encore à ses premiers pas. Enfin, il prit place sur une chaise disposée face à
quatre autres et les docteurs Cusack, Block, Leahy et Jewett examinèrent de
près le criminel. Fumant cigarette sur cigarette, Judd se prêta à leurs
questions – avec humour quand elles le permettaient – et au bout d’un
quart d’heure, il éveilla leur intérêt lorsqu’il leur révéla candidement que
Ruth le surnommait « mon mignon », que son surnom à elle était
Mounette et que, face à elle, il se sentait hypnotisé, impuissant, dominé.
    « Y trouviez-vous du plaisir ? s’enquit l’un des aliénistes.
    — Comment ça ?
    — À être sous l’empire de Mrs Snyder ? À ce
qu’elle vous contrôle, d’une manière ou d’une autre ?
    — Je suppose.
    — Pourquoi ? intervint un autre médecin. Qu’est-ce
qui vous fait supposer cela ?
    — Eh bien, nous sommes restés ensemble vingt-deux
mois. »
    Trois des aliénistes prirent des notes, tandis que le
Dr Thomas Cusack relançait :
    « Mais qu’est-ce qui vous intéresse ou vous excite chez
le sexe opposé ? »
    Judd détourna le regard et garda le silence, ruminant si
longtemps la question que les médecins eurent des doutes sur sa sincérité quand
il finit par lâcher :
    « Je ne suis pas tant attiré chez les femmes par leur
beauté ou leurs simples appas que par leur élégance et leur
intelligence. »
    L’un des médecins nota sur son bloc : « Efféminé ? »
Et un autre, en dessous : « Menteur. »
    « Dites-moi, reprit le Dr Siegfried Block, en
prison, quels sont vos fantasmes ?
    — Sexuels, vous voulez dire ?
    — Sexuels ou autres. Vous avez si peu d’occupations et
tellement de temps. Vous devez vous prendre à rêver, à vous souvenir. »
    Judd exhala sa fumée et écrasa sa cigarette.
    « Je n’ai guère d’imagination. »
    Ayant reçu pour instruction de passer en revue, ce soir-là
dans sa cellule, quelques souvenirs d’enfance et d’en rapporter par écrit un
qui lui paraissait récurrent et important, Judd leur remit le fragment
suivant : « Je suis encore petit, quatre ans à peu près. Je me
réveille et je constate que je suis sur le canapé, la tête sur les genoux de ma
mère. Une mouche me tourne

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